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 My darkest friend ► Aleksandar

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Appollonia Magyarcz
Ψ DUM SPIRO SPERO
Appollonia Magyarcz
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Statut du sang : Elle se dit de sang-pur, c'est plus facile quand on a le choix. Messages : 84Date d'inscription : 07/08/2018Localisation : Sofia
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Ҩ My darkest friend ► Aleksandar Ҩ Sam 18 Aoû 2018 - 22:09



❝ Don't say you ever loved me, don't say you ever cared. ❞
Appollonia & Aleksandar
Il fait sombre. Le soleil est pratiquement couché. Elle a quitté l'hôpital plus tard que d'habitude. De plus en plus tard. Pour ne pas rentrer. Ne pas se retrouver confrontée au silence qui l'entoure. Ne pas fixer les photos accrochées aux murs. Ne pas regarder l'émission préférée de son époux. Ne pas cuisiner le plat préféré de sa fille. Ne pas penser à eux. Mais ça lui est impossible. Chaque respiration qu'elle prend leur est destinée.

Son regard se pose sur la devanture du bar. Elle n'y est que très peu allée. Souvent accompagnée. Mais ce soir, elle veut seulement boire et peut-être oublier quelques instants. Elle ne veut pas faire bonne figure, devoir garder le sourire et rigoler toute la soirée. Elle veut pouvoir être triste si elle en a envie, peut-être même pleurer. Mais elle ne veut surtout pas être seule.

Elle entre dans ce pub à l'ancienne, rempli de décorations vieillottes, de tabourets en bois et verres à bière différents. Elle se dirige vers le bar, commande une bière, pour commencer et s'installe. Ses cheveux tombent légèrement devant ses yeux, elle masque son visage, ce n'est pas le genre d'endroit où elle a envie qu'on la croise. Elle prend une première gorgée, fixant les verres qui se lavent seuls au-dessus du lavabo. Elle sent que quelqu'un s'assoit non loin d'elle. Puis soudain, elle entend une voix. Sa voix. Elle l'a reconnu au premier son. Elle tourne légèrement la tête, c'est lui. Elle ne s'est pas trompée. Elle observe son verre. Premier réflexe. Elle ne sait pas si elle doit l'éviter ou au contraire aller à sa rencontre. Il n'est qu'à quelques mètres d'elle, il a fait partie de sa vie et lui a évité d'être emprisonnée récemment, mais elle ne sait pas vraiment ce qu'il pense d'elle aujourd'hui. Aleksandar était son premier petit-ami, elle l'a aimé, mais il était plus âgé et n'avait pas les mêmes envies qu'elle. Appollonia a toujours rêvé de sécurité, de famille, elle avait déjà vécu le risque et ne voulait plus recommencer. Entre eux, ça ne s'était pas mal terminé. Il avait juste quitté l'école de magie et ils n'avaient pas donné suite à leur relation. C'est comme ça que Nia s'était jetée dans les bras d'Ivan, son meilleur ami. La meilleure décision de sa vie.

Elle n'avait jamais rencontré Aleksandar après Durmstrang. Sauf dernièrement, quand il était venu perquisitionner sa maison. Ce jour-là, Appollonia avait cru que sa fin était proche, mais il l'avait sauvé. Certes, il avait embarqué les deux sang-noirs qu'elle hébergeait clandestinement, mais il l'avait laissé tranquille. Il lui avait juste fait promettre de cesser ses activités. Ça avait été très dur. Aider ces sang-noirs était devenu son exutoire. Sa façon à elle de se rendre utile. Mais elle ne pouvait plus prendre de risque, alors elle avait arrêté. Elle n'a pas eu l'occasion d'aider sa fille, d'atténuer ses peurs. S'occuper d'eux l'apaisait. Puis, elle n'était jamais seule. Etre seule, c'est ça le plus douloureux. Ça la tourmente encore.

Elle se tourne vers lui. Elle se doit au moins de le remercier. Elle n'en a pas eu l'occasion l'autre fois. Elle était bien trop choquée. Trop triste de voir ces deux jeunes qu'elle aidait être remis aux autorités. « Alors on ne se croise plus pendant 22 ans et maintenant, on ne peut plus se quitter ? » Elle lui sourit. Il n'a pas changé. Ce qui faisait son charme lorsqu'elle était adolescente est toujours présent, même accentué. Elle espère que, comme lui, son visage ne s'est pas trop modifié. À cette époque, elle avait vécu des choses douloureuses, mais rien n'était comparable à la perte de sa famille. Cette douleur permanente, lancinante, avait dû lui faire prendre quelques années. Elle se demandait comment était sa vie aujourd'hui. Était-il marié ? Avait-il des enfants ? Comme elle, avait-il perdu quelqu'un de proche durant la bataille ? Adolescents, ils s'imaginaient une vie parfaite. Une vie où rien ne pouvait réellement leur arriver. Et pourtant, pour quelques années de pur bonheur, Appollonia avait connu énormément de souffrance.  


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Dernière édition par Appollonia Magyarcz le Lun 3 Sep 2018 - 19:08, édité 1 fois
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Aleksandar Zakharov
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Ҩ Re: My darkest friend ► Aleksandar Ҩ Dim 19 Aoû 2018 - 16:48

« Putain ! » Les morts sortent en français. C'est l'usage, l'habitude. Maudite langue. Elle exprime les nuances que le bulgare n'a pas. Elle démonte, démontre, elle exprime, elle clame. C'est ainsi que tu penses maintenant, c'est ainsi que tu agis aussi. A la française.
Paris, ville maudite. Ciel décharné, parisiens pressés. Ca manque. Souvent. Nuits solitaires à contempler la lune qui se ballade, triste nomade au bédouin disparu. Nuits d'ivresse aussi où l'alcool est un exutoire, les courbes de déesses se trémoussant dans l'imaginaire embrumé. Demoiselle de fer dans les cieux qui s'étend jusqu'aux banlieues enflammées.
Paris, ville de poésie. Crève-cœur de l'imaginer vivre sans toi, s'enflammer, rayonner même comme elle le fait si bien. Paris puante des milliers d'ordures offertes en pâture aux rats, dévoreurs aux poils hirsutes, aux moustaches infernales. Démoniaques créatures des égouts, maîtresses des ténèbres.

Paris est une bonne amie, une bonne amie que tu détestes lorsque tu la croise, au point, parfois de vouloir l'étriper tout bonnement à l'aide de tes deux mains trop sèches mais une bonne amie que tu détestes voir loin de toi, offerte toute entière à d'autres sauvages bien moins délicats, qui n'hésiteraient pas un seul instant à la négliger tant ils s'en fichent, porcherie immense que le cœur de ceux qui crachent, pissent et chient sur le parvis.
Tu détestes cet endroit. C'est pourtant le tien. Tu as fait le choix d'y rester pour enfin rayonner. C'est une carrière difficile qui habite ton âme. Subissant même le métier comme l'assaut des vagues sur l'innocente roche, tu t'accroches. C'est la meilleure solution que d'être loin de la France et de ses habitants, c'est la Mère Patrie qui compte.
Le soleil décline à l'horizon. Le froid enveloppe les bras, enserre le cœur buriné qui ne ressent rien d'autre que la brise glaciale qui lui frappe les bords. Les sorciers ne fument pas. C'est pourtant un cigare à l'odeur fétide que tu tiens entre tes lèvres pincées. Expulsant la fumée comme le vieux pot d'échappement d'une vieille voiture moldue, tu jures contre la foule bien trop dense. Tu ne supportes plus ces saletés de bourgeoises qui s'extasient devant la moindre des vitrines, contre les marmots qui courent dont les rires rebondissent contre le moindre mur. Ta tête vrille de ne pouvoir les corriger prestement à la manière d'un guerrier tribal : un aller retour à l'ancienne.   Clac, clac. T'imagines même le truc s'échouer sur le visage de ceux-là. Ta bouche s'étire autant qu'elle le peut sans laisser tomber le tube marron qu'elle maintient dans un équilibre précaire.

Journée harassante. Les perquisitions se poursuivant jour comme nuit chez les honnêtes citoyens de Bulgarie, le sommeil est un souvenir lointain que tu caresses pour flatter, lui demandant de revenir faire un tour de temps en temps, sans succès jusqu'à maintenant. Dés le matin, tu es sur le pied de guerre, aiguillant des agents trop bêtes pour comprendre d'eux-mêmes et le soir, lorsque vient l'heure de passer la main, c'est généralement impossible alors tu restes, zèle habituel et tu termines par errer sans but dans les rues à imaginer la meilleure façon de faire sauter le caisson à d'innocents - mais bruyants - passants.
C'est un peu devenu un rituel à la manière d'une grand-mère veuve nourrissant les pigeons dans tous les bons stéréotypes. Mais les pigeons sont des bipèdes à l'accent incongru.
Nouvelle bouffée.

Le froid s'est définitivement levé maintenant que le soleil s'est couché et la place est éclairée par des lampadaires qui émettent une lumière blafarde. Les bâtiments sont d'une beauté rare, de ça au moins, tu conviens. Tu salues deux ou trois connaissances qui trainent ici, certainement à la recherche de quelques produits de qualité à offrir avec la bouche pincée dans les dîners que tu fréquentes maintenant que tu es un haut fonctionnaire.
C'est le genre de soirées que tu évites au maximum mais où il faut répondre au minimum présent pour ne pas en être exclu, régulièrement, des réceptions se tiennent où l'alcool est le meilleur moyen d'abréger les souffrances de l'âme, l'ennui étant un compagnon bien plus souvent présent que la bonne bouffe.

Tu tournes au coin de la rue, jette ton cigare qui termine sa vie sous ta semelle gauche et pousse la porte d'un pub que tu ne connais que trop bien. Tu connais tous les pubs de la région à tel point que si le Ministère venait à t'éliminer, te jugeant trop peu utile, tu pourrais aisément te reconvertir en écrivain de guide, le titre : Vous mettre une murge à Sofia, guide officiel. Tu salues de nouveau quelques personnes que tu connais mais il n'est pas question de dîner mondain cette fois, simplement d'amis de vraies beuveries où la camaraderie est bien plus franche et les promesses bien plus concrètes.
Le comptoir t'appelle comme l'aimant sur le métal. Tu ressens presque le besoin immédiat de te jeter aux pieds du tenancier pour lui commander un verre d'alcool fort. A journée affreuse, solution radicale. Après tout combattre le mal par le mal est une solution respectable. Tu remarques l'élégante chevelure de la jeune femme qui se tient à côté, après avoir glissés sur ses fesses, tu ramènes tes yeux sur le type face à toi. « Un Whisky pur feu.» Trente secondes après alors que le type s'approche, tenant toujours la bouteille à la main, tu jettes une bourse sur le comptoir. « Vous pouvez laisser la bouteille. » Grand sourire de circonstances. Première gorgée. Le contact de l'alcool sur les lèvres est formidable. Tu fermes les yeux.

Les yeux encore clos, tu manques l'attaque cardiaque. Ton cœur s'est mis à cogner comme un prisonnier sur sa cage d'acier. Tes paupières basculent à la vitesse de la lumière et ton être se fait petit, microbe dans l'infiniment grand. « Alors on ne se croise plus pendant 22 ans et maintenant, on ne peut plus se quitter ? » Au travers de ton verre encore en suspension, tu aperçois ses traits. Ton bras se baisse, si vite que le verre cogne contre la table et que le liquide s'en échappe un peu. L'odeur de whisky se répand dans l'air ambiant, n'arrangeant en rien la gêne qui croît. « Je... Il faut croire.» T'as hésité, merde. On dirait un gamin de trois ans. Pathétique. Appollonia. Comme dans un rêve. Ou un cauchemar. Amour de jeunesse puis ta fuite, gâchant tout. Appollonia qui n'avait pas attendu, qui s'était mise à vivre et qui avait caché des sangs-noirs pour se sentir vivante. Attaches maudites. Toujours la même pureté dans les pupilles.  « Avant d'aller plus loin... Je dois te le demander. »sur l'air d'un comploteur, à son oreille, embrassant de tes narines l'odeur délicat de son parfum de musc, tu balances « Tu ne planques personne sous ta  robe ou dans ton sac ? »La tête qui s'éloigne trop rapidement de son odeur. Un sourire dessiné sur les lèvres.
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Appollonia Magyarcz
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Appollonia Magyarcz
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Ҩ Re: My darkest friend ► Aleksandar Ҩ Lun 20 Aoû 2018 - 22:57



❝ Don't say you ever loved me, don't say you ever cared. ❞
Appollonia & Aleksandar
Secrets murmurés. Sa lourde enfance. Celle où elle a été balloté à gauche, puis à droite. Celle où elle ne trouvait pas chaussure à son pied. Où aucune famille ne semblait faire l'affaire. La douleur. Le manque d'amour. Elle ne savait pas à cette époque qu'elle avait besoin de sécurité, d'être protégée. Au contraire, elle était un léopard sauvage qui ne voulait pas être apprivoisé. Les flammes. Le feu. C'est flou aujourd'hui, elle sait simplement qu'elle était indomptable. Pas très différente de la femme qu'elle est aujourd'hui. Plus adoucie par l'amour qu'elle a reçu au fil des années. Plus brisée aussi par sa perte tragique.

Elle avait passé quatre ans de familles d'accueil en famille d'accueil. D'inconnus en inconnus. Elle s'échappait, à chaque fois. A quoi bon rester ? A quoi bon faire semblant ? Elle ne réfléchissait pas, impulsive. Elle ne comprenait pas pourquoi d'autres voudraient d'elle alors que ses propres parents l'avaient abandonnée. Puis, elle avait cessé de penser. Cessé d'essayer de comprendre. Durmstrang lui avait permis de tirer un trait sur ce passé qu'elle ne voulait pas. Sur ces douleurs qu'elle ne voulait pas garder. Durmstrang et ce garçon qui lui faisait face. Lui qui n'en avait rien à faire de la fille qu'elle était. Lui qui savait si bien la surprendre et lui faire oublier ses peines. C'est étrange, se retrouver face à lui, c'est réaliser toutes les années qui ont passé. Ces folles années où elle pensait que le plus dur était derrière elle.

« Je... Il faut croire.» Il hésite, comme un adolescent. Elle sait qu'il va se reprendre, il le fait toujours. Son sourire est sincère, ça lui est presque étrange. Elle qui ne voulait croiser personne. Elle qui souhaitait pleurer dans son coin. Elle ne pense plus à rien. Seuls les souvenirs de leur brève histoire lui reviennent en mémoire. Ardente. Enflammée. Brève, mais passionnée. Leur relation a eu un impact sur sa vie, elle en est bien consciente. Mais elle sait également qu'ils avaient fait le bon choix. Ils étaient trop jeunes, trop impétueux. Il était parti, quittant Durmstrang, vivant sa vie d'adulte. Alors qu'elle, encore adolescente, avait poursuivi sa scolarité, le coeur un peu brisé, mais les idées plus claires. Elle avait réalisé. Réalisé que celui qui avait toujours été près d'elle, depuis le départ, c'était Ivan. Celui qui rêvait d'une grande et belle famille, de calme et de sécurité, c'était lui. Elle ne regrette rien. Jamais.

Elle boit une nouvelle gorgée. Croise à nouveau son regard. « Avant d'aller plus loin... Je dois te le demander. » Il approche son visage de son oreille, ses yeux pétillent. « Tu ne planques personne sous ta robe ou dans ton sac ? » Il s'éloigne. Les pupilles d'Appollonia s'écarquillent, puis elle rit. Elle est étonnée, il ose en rigoler. Elle passe une main dans ses cheveux, elle est gênée. Tente de reprendre le contrôle de la situation, d'oublier un peu dans quelles conditions ils s'étaient récemment retrouvés. L'ouverture de sa porte d'entrée, son visage strict. La fouille de sa maison, elle savait pertinemment qu'il allait les trouver. Puis, le moment fatidique où il les avait trouvés. La peur en ventre, la peine pour ces oisillons apeurés qu'elle avait hébergés. Il avait demandé à lui parler seul à seul. Il lui avait laissé sa chance et pour cela elle lui sera toujours reconnaissante. « Je vois que tu n'as pas changé ! » Un boute-en-train. Toujours le mot pour rire. Un sourire malicieux au coin des lèvres.

Avait-il connu autant de malheurs qu'elle ? Avait-il vécu la vie dont il rêvait quand ils étaient jeunes ?

« Au fait, je voulais te remercier. Je n'étais pas dans mon état normal ce soir là et je n'ai pas eu l'occasion de te le dire, mais j'y tenais. » Elle le fixe, un sourire timide accroché à son visage. Elle a l'impression que cette soirée n'était qu'un cauchemar. Mais elle se souvient de son inquiétude, de sa méfiance, de sa gêne. Il n'avait sûrement pas compris, mais il ne connaissait pas son histoire. « Parlons de choses un peu plus joyeuses si tu le veux bien. Enfin, si je ne te dérange pas évidemment ? Tu n'attends personne ? » Elle sourit. C'est une autre personne. Ce soir, en face d'Aleksandar, elle ne veut pas être triste. Elle ne veut pas faire ressortir la colère qui gronde en elle depuis la mort de son mari et de sa fille. Elle veut simplement être Appollonia, sans douleur et sans passé, même si elle sait bien que ça lui est impossible.


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Dernière édition par Appollonia Magyarcz le Lun 3 Sep 2018 - 19:09, édité 1 fois
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Aleksandar Zakharov
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Ҩ Re: My darkest friend ► Aleksandar Ҩ Mar 21 Aoû 2018 - 19:23

« Je vois que tu n'as pas changé ! » Le sourire qui déforme tes traits se marque encore un peu. Mais très vite, ta bouche se redresse, elle tressaille. Tes yeux valsent légèrement, il se fixe d'abord sur le corps de la jeune femme qui se dresse devant toi, elle a changé. C'est certain. Elle n'est plus la même qu'autrefois, cet air insouciant, si prude, qui faisait perdre son souffle au plus grand des athlètes, qui faisait qu'elle était spéciale. Il n'est plus là, il s'est envolé, remplacé par une souffrance profonde, les traits sont marqués. Elle ne ressemble plus à la créature folle qui pouvait monter au créneau pour la moindre chose, elle ne ressemble plus même à cette image, fugace, que tu gardais dans un coin de ta tête.
Nouvelle gorgée d'un liquide devenu trop brûlant, il tranche la gorge comme des centaines de lames de rasoirs prêtes à faire l'office d'un bourreau. Tes yeux font mine de sonder ailleurs, derrière le bar, là où les couverts se lavent en silence, l'eau coulant dans un flot continu, ils regardent ensuite les badauds attroupés autour de tables éclairées à la bougie, tantôt jouant aux échecs, tantôt jouant à des jeux de cartes pour sorciers.
Un groupe s'esclaffe justement tant le pactole remporté est immense. Tu n'es pas mauvais dans ces jeux-là, il t'arrive parfois d'y passer la soirée, à sortir des gallions de ta poche, à miser sur tout et n'importe quoi, c'est une manière de passer le temps lorsque l'ennui te guette, lorsque dans les soirs d'ivresse, tu viens à regretter des choix de vie pourtant judicieux.

Souvent, lorsque tu te tiens ici, à la même place que tu occupes, tu poses des questions à ton esprit, créature devinant l'avenir comme une piètre moldue à la boule de cristal rouillée, tu divagues, imaginant à quoi ton idiote de mère peut passer ses journées dans son immense manoir déformant les paysages du quartier bourgeois. C'est un cycle sans fin, tu t'interroges et tu te maudis de penser encore à ceux qui ont osé te faire souffrir. La vie s'est vengé, du moins, en apparence. Appollonia. Tes yeux se refixent sur les siens, eux n'ont pas bougé, ils sont sensiblement les mêmes, deux orbes reflétant un océan de possible, reflétant une vie qui aurait pu être, qui aurait dû être. Tu sens ta poitrine se comprimer et tu effectues un effort monstrueux pour te contenir. Un sourire crispé revient jouer sur le coin de tes lèvres. « J'espère avoir changé » dis-tu d'un air las. Tu fixes ses yeux, soutenant maintenant son regard aux multiples lectures. Ce qu'elle a souffert, penses-tu en voyant le tout. Ca se sent, ça s'est imprégné de partout : dans son visage fatigué, dans ses yeux aux couleurs d'été, dans la façon qu'elle a de se tenir. « J'étais un jeune crétin. Et aujourd'hui je suis devenu quelqu'un. » Si fier que tu es de ta nouvelle situation. Aujourd'hui, on te supplie parfois de ne pas conduire les actions que tu ordonnes et c'est avec un plaisir immense que tu l'exécutes quand même, la joie d'entendre des mères hurler. La vengeance est un plat qui se mange glacé et toute la nation bulgare en mérite une part, en réparation.

Tes yeux plongent dans les siens. Ton regard s'est durcit. Il le fait toujours lorsque la situation l'impose. Pas peu fier de tes attributions, c'est un sujet sérieux qui s'annonce là. Mais à l'intérieur, c'est un tourbillon d'autre chose qui s'agite, c'est une tempête timorée, un ouragan que l'on tente de calmer à coup de roquettes. C'est un sentiment curieux, mélangé. Une chose inhabituelle que tu ne ressens jamais. Toi dont le cœur s'est tari il y a bien longtemps, à la sortie fulgurante d'une école infernale. Premier et dernier véritable amour que celui de la grandeur qui se tient devant toi. « Au fait, je voulais te remercier. Je n'étais pas dans mon état normal ce soir là et je n'ai pas eu l'occasion de te le dire, mais j'y tenais. » Un hochement de tête. Tu fouilles dans la poche et en ressors un cigare. Tu l'allumes d'un coup de zippo. Tu le glisses dans ta poche. Dans le geste, tu frôles sa main droite, délibérément.
Son sourire s'est étendu sur son visage lorsqu'elle s'est exprimée, on dirait la percée d'un rayon de soleil au travers d'une bruine épaisse et sombre, dévastant la joie. De nouveau, tu penches ta bouche vers elle. « N'en parlons plus. Ca restera entre toi et moi.»Bouffée de cigare, longue gorgée de boisson. « Tu m'as promis de ne jamais recommencer. J'espère que tu t'y tiendras parce que si tu recommences, même moi je ne pourrais rien pour te protéger.» Tu redresses ton visage face au sien. « C'est qu'ils sont cinglés avec ces histoires là-haut. »Ton index désigne le plafond, allégorie parfaite d'un Ministère inquiet pour la survie de sa communauté.

C'est une histoire folle. Un pays au bord de l'apoplexie et toi qui arrive enfin à sortir l'épine de ton pied, à rayonner comme tu as toujours souhaité rayonner. L'Europe de l'ouest te manque profondément, ce fût un apprentissage enrichissant au possible, te conduisant à parler presque couramment la langue de Molière, pourtant si folle et si complexe. Mais dans cette Bulgarie sorcière là, incertaine, dangereuse, tu es à ta place, la lutte étant une seconde nature dans ton caractère. Toujours tu as combattu : tes parents d'abord, les élèves ensuite. Grâce à celle qui se tient là, tu n'as pas sombré à l'époque dans une dépression toute trouvée, elle qui s'est battue pour que les Ombres t'obéissent enfin même si jamais cela n'a abouti.
Elle semble fatiguée. Tu n'as pas eu l'audace de te renseigner sur elle, sur ce qu'elle a pu vivre. A vrai dire, tu n'as pas osé faire jouer tes contacts pour ne l'attirer dans l'œil d'un cyclone trop puissant. Le chef des pacificateurs se renseignant sur quelqu'un, c'était rarement bon signe ces derniers temps. . « Parlons de choses un peu plus joyeuses si tu le veux bien. Enfin, si je ne te dérange pas évidemment ? Tu n'attends personne ? » Un sourire. . « J'attends ma femme et mes dix enfants. » Un ange passe. Tu exploses d'un rire franc. Ton sourire est plutôt clair, les dents dévoilées dans une pudeur toute relative. . « En fait, je n'attends personne d'autre que l'ivresse. » Ton ton est bien plus bas. Tu écrases le cigare sur le cendrier que le serveur s'est évertué à disposer lorsqu'il avait vu le délicieux cubain surgir entre tes lèvres. Les sorciers avaient encore le droit de fumer dans les lieux publics même si la plupart d'entre-eux usaient de la pipe plutôt que d'autres formes de tabac. . « Des choses plus joyeuses, donc... » Tu fais mine de réfléchir. . « A part planquer des déviants chez toi, t'as une autre occupation dans la vie ? »Curiosité morbide, les deux yeux interrogateurs du professionnel, le verre prêt à être avaler en suspension.
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Ҩ Re: My darkest friend ► Aleksandar Ҩ Dim 2 Sep 2018 - 19:35



❝ Don't say you ever loved me, don't say you ever cared. ❞
Appollonia & Aleksandar
Perdue. Elle erre sans but précis ayant perdu tout objectif. Elle ne fait qu'avancer. Un pas après l'autre. Espérant qu'un évènement bousculera sa vie. Que quelque chose, ou quelqu'un, fera taire la souffrance. Cette immense peine qui l'habite depuis ce jour tragique. Elle se souvient des cris. Ses propres cris, stridents. Jamais elle n'avait connu telle douleur. Jamais elle n'avait même imaginé pouvoir ressentir cela. Une douleur intense qui se diffuse dans tout son corps. Cette impression d'étouffer, de ne plus savoir comment respirer. Ce n'est qu'un cauchemar. Elle aurait tellement aimé. Tellement aimé pouvoir se réveiller à côté de son mari encore profondément endormi. Se lever, aller observer sa fille emmitouflée dans les couvertures. Mais tout était malheureusement vrai. Ce chagrin l'habite depuis ce jour-là. Il a diminué. Un peu. Mais elle est tellement seule qu'elle n'a rien à quoi se raccrocher. Rien qui ne la fasse se sentir exister. Son métier est la seule chose qui la maintient en vie. Qui lui permet de respirer. Et puis, un jour, elle avait décidé d'aller plus loin. De les aider réellement. Ces sang-noirs qui n'avaient rien demandé, qui voulaient juste être oubliés. Durant ces mois-là, elle n'était plus seule, mais surtout, elle se sentait utile. Elle se sentait vivante. La souffrance était toujours là, mais elle prenait moins d'importance. Mais cet homme était venu bouleverser son nouveau quotidien. Elle ne pouvait lui en vouloir, c'était son travail, mais ça avait mis un terme à ses activités. Ça l'avait fait replonger. Dans le vide, elle s'est raccrochée à ce qu'elle pouvait : son boulot à l'hôpital, ses quelques amis. Mais jamais ils ne prendraient autant d'importance qu'en avaient Ivan et Anna. Jamais.

Elle l'observe, il a bien vieilli. Son sourire est heureusement resté intact. C'était ce qu'elle préférait chez lui, déjà à l'époque. « J'espère avoir changé. » Il marque une légère pause, se redresse pour affirmer sa fierté. « J'étais un jeune crétin. Et aujourd'hui je suis devenu quelqu'un. » Avant, rien ne les séparait, même pas leurs convictions. Aujourd'hui, ils n'ont plus ça en commun. C'est probablement elle qui a changé. Sa vie, sa famille, ont fait d'elle une autre personne. « Et bien, je suis contente pour toi dans ce cas. » Elle lui sourit, plantant ses yeux couleur noisette dans les siens. Il est heureux, du moins plus qu'elle.

Il lui semble que c'est le bon moment pour le remercier. Même si elle aurait préféré qu'il ne pénètre jamais dans sa maison, elle a eu énormément de chance qu'il ne la dénonce pas. Il se penche vers elle, à nouveau, son parfum imprègne ses narines. Doux et fort à la fois, il lui rappelle celui qu'il portait lorsqu'ils étaient encore adolescents. Celui qu'elle aimait tant. Qui lui faisait caler ses lèvres contre sa nuque chaude. « N'en parlons plus. Ça restera entre toi et moi.» Elle l'imite et prend une nouvelle gorgée de sa boisson. « Tu m'as promis de ne jamais recommencer. J'espère que tu t'y tiendras parce que si tu recommences, même moi je ne pourrais rien pour te protéger. C'est qu'ils sont cinglés avec ces histoires là-haut. » Ses lèvres s'étirent, ses grimaces, sa façon de parler, tout chez lui la ramène à l'une des époques les plus heureuses de sa vie. Elle prend un air faussement sérieux. « Une promesse est une promesse, je n'ai pas changé pour cela. » Une promesse, mais surtout la promesse, celle qu'elle a faite à sa famille. Elle ne doit pas risquer sa vie, ne pas se mettre en danger. De là où ils sont, ils la surveillent probablement et elle ne veut pas les décevoir. Son regard est perçant, il sonde son âme à la recherche de la vérité. Comme il l'a toujours fait. Elle ne veut pas s'étendre sur le sujet. Ce passage de sa vie la rend plutôt honteuse à ses yeux. Lui qui se trouve de l'autre côté. De celui du Ministère.

« J'attends ma femme et mes dix enfants. » Ses pupilles s'écarquillent. Pendant un quart de seconde, elle y a cru, puis s'est souvenue de qui il était. Il explose de rire et elle avec. Ça fait du bien, rigoler sans penser, sans s'en vouloir. « En fait, je n'attends personne d'autre que l'ivresse. » Il est là pour oublier, tout comme elle.

« Des choses plus joyeuses, donc... A part planquer des déviants chez toi, t'as une autre occupation dans la vie ? » Elle rit, buvant une gorgée de sa bière presque vide. « Par où commencer ? » Elle le fixe quelques secondes, sa vie n'a rien de joyeux. Elle ne peut pas lui mentir, il la connaît trop bien et le décèlerait immédiatement. « On avait dit "des choses joyeuses", alors si tu veux mon avis, il vaut mieux éviter de parler de ma vie. » Un petit rire s'échappe. Tragique. Quelques secondes de silence s'écoulent, puis elle reprend pour ne pas plomber l'ambiance.  « Sinon, je suis psychomage à l'hôpital de Sofia, donc si tu as besoin d'un check up rapide n'hésite pas à m'appeler. » Elle lève sa bière à sa santé. « Et toi, tu as réussi exactement comme tu le voulais professionnellement ? Et ta vie de famille dans tout ça ? » La curiosité est un vilain défaut qu'elle possède depuis son plus jeune âge. Elle meurt d'envie de connaître sa vie personnelle. Peut-être pour s'imaginer ce que sa vie aurait pu être si elle n'avait pas fait le choix de le quitter presque vingt ans plus tôt.



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My darkest friend ► Aleksandar

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