Asphalt porte dans son cœur tous les hivers d’une vie. Profondément blessée par l’ignorance d’une famille qu’elle a toujours déçu, elle a pris l’habitude de se réfugier dans la solitude et le silence. C’est quelqu’un dont l’estime de soi frôle le sol qu’elle souille de ses pieds cracmols. A force de s’entendre dire qu’elle ne valait rien, elle a fini par y croire. Entourée de gens meilleurs qu’elle, elle a pris l’habitude de se transformer en paillasson, et elle ne pardonnera jamais le monde pour lui avoir fait subir ça, pire encore, elle ne se pardonnera jamais elle-même. Asphalt est d’une jalousie tenace, porteuse d’une tempête à l’intérieur des os, et de constellations au creux des reins. La cracmole se méfie beaucoup des gens et de leurs intentions ; elle a énormément de mal à s’entourer, et à se laisser approcher. Son premier instinct est de fuir en toutes circonstances. ✖ Asphalt est un pur produit de la société magique anglaise. Fille unique de la majestueuse famille Dragonstone, elle a porté tout le poids de son héritage sur ses frêles épaules depuis sa plus tendre enfance. Née et élevée à Londres jusqu’à l’âge de 12 ans, la demoiselle en est follement amoureuse. Vraie fille de la capitale, elle aurait pu y construire sa carrière, sa vie entière, si seulement elle n’avait pas été aussi avare de magie. ✖ L’héritière Dragonstone n’a jamais été scolarisée. Dès que Monsieur et Madame se sont rendus compte de l’incapacité de leur bonne à rien de fille à produire de la magie, ils l’ont envoyé vivre chez une branche plus basse de la famille, de lointains cousins vivant en banlieue. Sa famille de fortune l’éduque sur l’histoire et tout ce qui ne requiert pas une baguette magique, par pitié pour l’enfant qui est pourtant curieuse et travailleuse. Au fil du temps, Asphalt devient maîtresse des poisons et des potions. Un talent inouï et rare acquis à la sueur de son front ; peut-être la seule chose dont elle puisse être fière. A l’âge de dix-huit ans, elle déménage à Pré-au-Lard et commence à travailler en tant qu’apothicaire sur le Chemin de Traverse, là où ses capacités sont appréciées.  ✖ Parfois, lorsqu'elle allume sa cigarette, la flamme se rapproche un peu trop de sa paume. Ca laisse des traces, des petites cicatrices brunes, puis roses, sur sa peau. Lorsqu'elle traverse la rue dans le Londres moldu, elle ne regarde ni à droite ni à gauche. C'est tout juste si elle fait attention au bruit des voitures. Quand elle casse de la vaisselle, elle la ramasse à pleines mains, sentir l'essence carmin dégouliner sur ses doigts. C'est pas vraiment qu'elle essaie d'en finir, c'est juste que ça fait longtemps qu'elle n'en a plus rien à faire. Et qu'elle a réalisé que personne d'autre ne le ferait à sa place. ✖ La particularité de la demoiselle, c'est qu'elle a dû compenser tout ce qu'elle est pour ne pas être réduite à une tapisserie. Parce qu'elle n'a pas eu de baguette pour agir en tant qu'extension de son bras, elle a désormais des doigts experts dans l'art de la confection des potions et des poisons, de la botanique et des créatures. Elle est loin d'être conne, la Dragonstone. Si tout le monde le pense, et qu'elle le croit elle-même, elle en oublie qu'elle a passé son temps à lire pour s'échapper, pour prétendre qu'elle faisait partie du groupe, partie de la communauté. Elle en sait autant qu'eux si ce n'est plus. Elle aime à penser que si un jour, un de ses détracteurs a besoin de ses dons pour survivre, elle le laissera crever la gueule ouverte. Mais ce serait mentir ; en bon paillasson, Asphalt s'exécutera. Elle s'exécute toujours. ✖ Lorsqu'elle termine son ouvrage au Chemin de Traverse, c'est au Londres moldu qu'Asphalt passe le plus clair de son temps. Elle entretient avec les sans-pouvoir une relation des plus étranges ; elle les hait de toute son âme d'être le genre de personnes que l'on méprise, de devoir se rabaisser à leur niveau pour échapper à sa propre pathétique existence. Et pourtant, c'est auprès d'eux qu'on la surprend parfois à sourire. A oublier presque qu'elle est née sorcière, tant personne ne peut la juger coupable d'être cracmolle. Vivre chez les moldus, c'est sortir du tribunal en étant acquittée. Cercle vicieux et as de pique dans le coeur.

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