Danser sous les lumières jusqu’à ce qu’elles brûlent ma peau, c’est tout ce que je sais faire non, c’est tout ce que je sais faire ? Valser loin de ses bras, un deux trois le verre de trop a tordu le monde pour moi. Il me plaît pas Vasya, il est trop grand Vasya, avec ses projets et son sérieux qui me donne envie de m’échapper, m’envoler, l’abandonner, c’est ce que je fais quand la musique se perd dans mon crâne, je sais qu’il me regarde onduler et qu’il aime ça, je sais que ses yeux courent le long d’un corps qu’il aimerait toucher, je sais qu’il n’est pas le seul et ça me fait mal ou sourire je ne sais plus trop, c’est tellement trouble quand la nuit et les étoiles artificielles se mélangent dans ma tête, tableau délicieux qui m’enivre, qui m’enterre. Et puis soudain mon cœur se perd, j’ai l’impression qu’il tombe, se fracasse contre le sol, parce qu’il y a cette femme assise à la table d’en face, ce visage contemplé si longtemps sur une photo usée, il y a des années. Krista Vrenskaya. Je me fige. Krista. Krista. Souvenir d’un temps dont je ne souhaite plus me rappeler, parce que derrière la silhouette de cette femme c’est l’ombre de Valko qui se dresse, Valko et le goût amer que ça laisse, la culpabilité qui ne s’en ai jamais vraiment allé. Je me souviens de cette photo que je lui avais mille fois réclamée, dis Valko, montre moi, montre moi ta femme, s’il te plait, promet-moi, obsession douce jetée sur ma table de chevet, Krista, Krista et le besoin d’être pardonnée. Je ne pensais jamais que j’en arriverais à partager les draps de l’époux d’une autre mais je suppose que c’est ce qui arrive lorsqu’on est seule et qu’on ressemble un peu trop à une jolie chose. Pas d’amour, pas vraiment, mais des cadeaux, oh oui tellement, boucles d’oreille en or et fleurs chaque matin quand il s’esquivait, quand il courrait la retrouver. J’ai détesté ça je crois, rester cachée, attendre patiemment dans l’ombre d’une autre, je crois que j’en ai un peu pleuré, que ça m’a encore un peu cassée.

Tu as l’air égarée quand je m’approche de toi, Krista Krista, je ne pensais pas que tu étais si belle, ma main se pose sur ton épaule mais ton regard me  brûle, je m’empresse de la retirer avant que tout ne s’enflamme. J’ai l’impression de me noyer, pourquoi faut-il que ce soit aujourd’hui dis, pourquoi le jour où mon esprit s’est perdu dans la fumée qui semble flotter tout autour de nous. Je m’efface quand tu me regarde, donne moi un peu de lumière s’il te plait, je ne veux pas être ce fantôme que tu ne veux pas reconnaître, s’il te plaît regarde-moi, sublime-moi. Du temps où il était à moi j’étais une reine de beauté, je brillais tu sais et nul ne pouvait m’éteindre, surtout pas toi. Mais tout a changé alors ne me laisse pas dans le noir, dans l’oubli, même si tu me hais.

Les néons ont peint ta peau d’argent, c’est si beau, t’es si belle, aussi blonde qu’Asphalt, j’aime la façon dont scintillent tes cheveux d’or, d’ici j’ai presque le sentiment de les voir danser. « Excusez-moi… » Je me sens stupide, à ne plus savoir comment dire, comment faire pour que tu comprennes, que tu comprennes et que tu pardonnes. Je crois que tu sais qui je suis même si ton visage se ferme, soudain je me souviens de Valko et de la façon dont je me sentais belle, perchée entre ses bras. « Je voulais juste vous dire que vous… » Ne me quitte pas des yeux, s’il te plaît, ça me renverse le bleu contre lequel mon regard s’éclate, j’ai tant imaginé le moment où je pourrais te confronter. Aujourd’hui je ne sais plus, je crois que je voudrais apprendre à te connaître, voir les étoiles et les trous noirs cachés sous ton teint de poupée, viens on éteint toute les lumières et on laisse faire. Je me suis perdue, j’ai des mots à t’offrir je crois mais ce ne sont pas les bons, sans réfléchir je laisse mon cœur dire n’importe quoi. « Je vous trouve magnifique »

Krista, Krista, je sais que je vacille sans raison et que mes joues sont rouges d’émotion, je sais que j’ai l’air d’une étrangère dérangée venue te percuter, mais tu sais depuis toujours je me laisse submerger, ma vie tourbillonne, brillante et tranchante comme le diamant brisé que je porte encore à mes poignets mais dis ; dis, est-ce que ça ne te plairais pas, juste une fois, de te laisser emporter ?
Je pourrais te montrer ce qu’il a vu en moi et bien plus encore.

Je crois que l’alcool m’a rendue folle, ce n’est qu’encore un soir de travers, je t’en supplie, ne soit pas trop sévère.