La musique résonne dans tout le bar, se mêle aux bruits de verres qui s’entrechoquent, aux rires et aux cris. Il fait presque sombre dans la salle, seuls quelques faisceaux de lumière illuminent la scène et les musiciens. Les gens dansent, s’amusent, un verre à la main, un sourire souvent idiot sur les lèvres. Dafina fixe la scène, comme si elle se trouvait derrière une vitre en verre, loin du bruit et du monde. Elle se sent extérieure à ce qu’il se déroule sous ses yeux. Elle voit ses amies danser, hurler, projetant parfois leurs verres en l’air, laissant leur boisson se déverser sur le sol gluant. Elle avait besoin de sortir de la maison, de mettre de la distance entre tout ce qui la rend triste et elle. Elle suffoquait là-bas, ne supportait plus le visage de sa tante, les réflexions de son grand-père, et cette maudite solitude qui l’accompagnait nuit et jour. Alors la meilleure solution semblait être de voir du monde, de se mêler aux gens, de prétendre faire partie de tout ceci ; afficher un faux sourire, et prétendre s’amuser avec les autres. L’ougandaise boit une gorgée de sa boisson, l’esprit ailleurs, le regard perdu sur la foule. Elle releva les yeux jusqu’à la scène, fixant le groupe de ses prunelles noires. Les Back From The Veil. La voix du chanteur emplit la salle, elle le reconnaît, se souvient d’une discussion. Discussion banale, on l’on évoque tous les sujets sauf les plus importants. Mais l’une des choses dont elle se souvenait le mieux, c’était qu’ils étaient tous des Revenants sur scène.

Dafina se fait soudainement tirer dans la foule par l’une des filles qui l’accompagne. Elle râle légèrement, lui demande de lâcher son tee-shirt qu’elle déforme. Puis elle finit par essayer de se fondre dans la masse, de rire et danser aussi. Elle finit son verre d’une traite, priant Merlin pour que ça l’aide un peu à sortir ses sombres pensées de son esprit. Ca semble si facile de s’amuser, de faire la fête, d’applaudir en hurlant à tue-tête. Elle regarde ses amies qui rient encore et encore, ses amies à qui elle n’a jamais rien à dire, qui sont là pour décorer un peu l’univers sombre dans lequel elle évolue. Les minutes passent, les chansons défilent, différentes mélodies qui emplissent la pièce bondée. Le concert se termine, les gens applaudissent de plus belle. Dafina file  au bar, laisse ses amies en plan. Elle se fraie un chemin dans la foule, et arrivée à destination commande un verre. Elle a terriblement chaud, relève ses longs cheveux noirs en un chignon défait. Buvant une gorgée de sa boisson alcoolisée, elle se retourne, accoudée au bar. Ses amies la rejoignent, lui crient des choses qu’elle ne comprend pas, mais elle acquiesce simplement. Elle tourne la tête, et aperçoit le chanteur du groupe qui prend commande au bar. Adrian. Elle rencontre son regard et lui accorde un fin sourire.  De l’autre côté, ses amies sont de plus en plus ivres, et hurlent de plus en plus fort. Dafina les écoute d’une oreille distraite, et son regard se pose soudainement sur deux hommes qui dénotent dans la foule. Elle reconnaît l’un des deux. Sa mémoire fonctionne lentement à cause de l’alcool qui lui monte peu à peu à la tête. Fronçant les sourcils, elle cherche en vain qui ils sont. Elle les fixe, ils ont l’air de chercher quelque chose. Puis tout à coup, Dafina comprend ce qu’il cherche, c’est elle. L’un des deux types l’a déjà ramenée chez elle à plusieurs reprises. En tant que sang-noir, et mineure, elle n’est pas censée se balader comme elle veut, où elle veut. Elle a fait le mur ce soir. Sa tante a dû s’apercevoir de sa disparition, et s’est empressée d’envoyer des gens la récupérer. Sauf que Dafina n’a aucune envie de rentrer chez elle. Vite, il faut qu’elle s’enfuit ou qu’elle trouve une cachette. Elle regarde autour d’elle. Ses amies n’ont pas remarqué son changement de comportement, parce qu’elles continuent toutes à rire. Elle ne tarde pas à voir l’un d’entre eux la pointer du doigt. La jeune femme comprend qu’elle doit agir et vite, si elle ne veut pas se faire sortir de force. Une solution, vite. Son regard se repose sur Adrian accoudé au bar. Il est chanteur, il doit avoir une loge ou un truc dans ce genre-là pour la cacher un moment. Dafina bouscule les quelques personnes qui sont sur passage, s’approche du chanteur, attrape son bras, et colle ses lèvres à son oreille : « Il y a deux types dans la foule qui me cherchent. T’as pas une loge dans laquelle je peux disparaître ? »