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 My baby shot me down. [Evyria IV]

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Vespera Blackwood
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Statut du sang : Née MoldueMessages : 233Date d'inscription : 17/11/2015Localisation : Sofia
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Ҩ My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Lun 9 Avr 2018 - 18:58

Les dernières lueurs du crépuscule jetèrent sous la voûte du ciel un dernier crachat de couleur.
Puis ce fut le noir. Le silence. Il n’y avait que cela qui comptait, après tout.

Les places fortes de la joie se substituaient aux lieux bruyants des quartiers fréquentés de Sofia. Au chaud, à l’intérieur, les silhouettes se pressaient autour de tables bondées, pleines à craquer d’hommes et de femmes qui abandonnaient leurs masques pour laisser voir leurs visages à la lueur timide des chandelles posées sur le bois. Elle les regardait les uns après les autres, la femme au bout de la salle ; la-femme-au-bout-de-la-salle, c’était sa dernière identité, son dernier refuge. Anonyme, cachée aux yeux de tous, simplement une frêle silhouette aux épaules courbées par la fatigue qui s’avançait doucement vers l’estrade, sans un mot, sans un bruit. Une ombre au coeur du soir, que la tombée de la nuit avait laissé revivre, faisant marcher ces vieilles mécaniques qu’elle connaissait par coeur, mais dont elle avait oublié jusqu’au fonctionnement. C’était automatique, comme ses gestes, comme la moindre de ses pensées depuis cinq longues années, cinq années à vivre sans connaître le sens de ce mot seulement, à marcher, à parler, à dormir, comme une automate, le dernier squelette que le feu avait laissé sous sa peau pâle.

Elle regarda autour d’elle, alors qu’un frisson se propageait sur ses épaules nues. Tous les soirs, c’était la même rengaine, la même litanie qui recommençait, comme une boucle dans laquelle elle avait choisi de s’enfermer elle-même, renonçant à tout. La lionne avait laissé ses griffes quelque part, sur une île en Bulgarie, et n’avait laissé derrière elle que l’odeur de chair brûlée, la dernière chose qu’elle ait pu sentir avant de voir sa vie se briser une dernière fois. Elle en ramassait les morceaux, parfois, quand la nuit ne lui autorisait pas le peu de sommeil qu’elle s’accordait. Ses pensées s’égaraient alors, partout et nulle part, au creux de souvenirs qu’elle aurait voulu effacer à jamais. Des gens, qu’elle aurait aimé oublier, de toutes ses forces.

Mais elle n’y pensait pas, Eva, pour le moment ; elle s’avançait seulement jusqu’en haut de l’estrade, saluait les trois musiciens qui l’accompagnaient pour sa chanson rituelle. Tous les soirs, cela recommençait ; elle servait les tables, les nettoyait, elle accueillait avec un sourire glacé les compliments de ceux qui ne voyaient que sa silhouette et pas son visage, restait muette face aux grands yeux étonnés qui se posaient sur sa face droite, sa main à la peau grêlée, abîmée, de dégats irréparrables, irréversibles. Aux sorciers un peu trop curieux, elle avait répondu que cette histoire était beaucoup trop fraîche pour en parler. Elle mentait, prétendait à un accident magique, disait qu’elle avait tout perdu, puis passait à autre chose. Elle cachait en permanence la blessure derrière des vêtements longs, la moitié de son visage habilement dissimulée sous ses cheveux désormais bruns. C’était ça, sa vie ; son nouveau quotidien ne se résumait qu’à l’antre rassurante de son appartement dans le quartier non-magique de la ville, et à cet endroit dans lequel elle venait travailler chaque jour. Chaque putain de jour, depuis un temps qu’elle n’avait pas même pris la peine de compter.

Quelques notes à la contrebasse, les arpèges du piano, le son discret du balai frôlant la caisse claire de la batterie. Elle se racla doucement la gorge sous quelques accords plus sonores, regardant les gens qui eux, ne la regardaient pas ; elle n’était qu’une partie du décor, une ambiance musicale tout au plus, au mieux un fond sonore sympathique, au pire un bruit qui les empêchaient de discuter. Elle ferma les yeux, pinça doucement les lèvres, peinant à songer à ce qu’elle était en train de faire. C’était comme une prostituée écartant les jambes, choisissant de se déconnecter de la réalité ; sa voix, ce qu’elle avait de plus précieux, elle la donnait tous les soirs à des gens qui ne connaissaient rien de sa valeur. I was five and he was six, we rode on horses made of sticks... cette voix, qui s’éleva dans la foule, alors qu’elle entonnait les premières notes du morceau qu’elle avait choisi pour ce soir. Elle en changeait régulièrement, par peur du dégoût ; sa seule liberté, c’était de donner les partitions qu’elle voulait aux autres, finalement.

He wore black and I wore white, he would always win the fight bang bang… Rares étaient sans doute ceux qui connaissaient cet air, les quelques qui relevèrent la tête, surpris, sans doute. La musique des moldus n’étaient sans doute pas le domaine de connaissance de ces soiffards ; tant pis, songea-t-elle en poursuivant, de toute manière, cela n’intéressait personne, sa petite vie de serveuse des quartiers marchands. Elle garda les yeux clos, quelques instants. Ce n’était pas si terrible, de toute manière. Cela lui ramenait de quoi nourrir son fils, au moins. you shot me down, bang bang, I hit de ground, bang bang… Comme si le reste avait une importance. Elle ouvrit lentement les yeux, parcourant du regard les silhouettes massées autour d’elle. Près du bar, une jeune femme avait relevé la tête ; elle avait les cheveux courts, sombres, la main serrée sur un verre dont elle ignorait la provenance. Son expression hébétée n’avait rien de naturel dans un endroit comme celui-là, personne ne la regardait de cette manière, personne ne l’écoutait assez en tout cas. Concentrée, la jeune femme serra les dents, prenant une longue inspiration. Qui était cette fille, elle se le demanderait plus tard.

Now he’s gone, I don’t know why, and ‘till this day sometimes I cry… même ce qu’elle chantait n’avait absolument plus aucun sens. Quand enfin sa voix se tut, elle recula, sous les quelques applaudissements des rares qui avaient tendu l’oreille pour l’écouter. Lentement, elle quitta l’estrade en s’inclinant, à peine, avant de rejoindre le comptoir, derrière lequel elle passa sans le moindre mot. Son jeune collègue, lui, ne manqua pourtant pas l’occasion. “T’aurais dû choisir encore plus déprimant, Vesp’. L’ambiance est beaucoup trop bonne ce soir, c’est intolérable.” “Je devrais parler au patron de tes talents de comique.” répliqua-t-elle avec un sourire pincé, saisissant les verres vides face à elle qu’elle ramassa sans rien dire de plus, pour les mettre dans l’évier. A sa gauche, la jeune femme qui l’avait regardée tourna la tête. Elle l’ignora superbement, préférant reporter son attention sur les verres, qu’elle se mit à nettoyer à la main. Une bizarrerie que son patron avait fini par accepter, quand elle lui avait mollement expliqué qu’elle avait cassé la sienne, et qu’elle n’avait pas l’argent pour s’en racheter. “Blague à part, je vais faire un tour de salle. T’as été super. Tu devrais vraiment en faire ton métier.” “J’en prends note. Allez, dégage.” “A tout à l’heure, Vesp’. Fais gaffe au client de droite, je crois qu’il a un peu abusé de whisky Pur Feu.” Le jeune homme s’éloigna, aussi vite qu’il était apparu ; haussant les épaules, Eva reprit son nettoyage, l’oeil rivé sur un verre qu’elle se mit à essuyer à l’aide d’un torchon propre.

Encore une journée en enfer.
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Valkyria D. Hawkins
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Sam 19 Mai 2018 - 0:55

Son verre ne se vide pas, elle ne regarde pas le poison qui y frémit légèrement lorsque le bar auquel elle est installée tremble sous les mains des hommes venant s’y échouer les uns après les autres. L’établissement dans lequel elle s’est arrêtée est plutôt bien fréquenté, assez chic ; pas ostentatoire pour autant. Un juste milieu, d’une certaine façon. C’est rassurant, les justes milieux. C’est confortable. Ca ne la tire vers aucune dangereuse extrémité, et c’est mieux comme ça. Elle sait ce que ça donne quand on lui agite une mauvaise idée sous le nez.
Valkyria trempe les lèvres dans la liqueur d’alcool qui ne la brûle plus depuis longtemps ; c’est amer, un peu, mais elle n’est pas sure que ça vienne du breuvage. Peu importe, elle est trop perdue dans ses pensées pour y prêter attention.
Ce soir est l’un de ces soirs où elle n’a pas le courage de supporter la solitude de son appartement minuscule au coeur de Sofia - et pas l’envie de le partager pour la nuit avec une étrangère qu’elle choisirait de ne jamais revoir par la suite, jugeant le poids de ses mensonges déjà bien assez lourd pour les quelques contacts qu’elle s’efforce d’entretenir dans son entourage. L’un de ces soirs où, saisie par un énième questionnement existentiel sans fondement ni but, elle fait la liste de tout ce qui compose sa vie aujourd’hui et qui aurait été impensable, cinq petites années auparavant. Elle contemple ce qu’elle a gagné, ce qu’elle est devenue et qu’elle n’aurait jamais pu être dans sa belle cage bardée de barreaux dorés. Elle n’a peut-être plus grand chose à l’heure actuelle, mais elle est bien plus que ce qu’elle a été. Autre chose qu’un nom, qu’un visage. Un nouveau tissu de mensonges, entrelacés de vérités qu’il lui a à nouveau fallu trier, valider - toutes ne sont pas bonnes à crier sur tous les toits. Pour autant, ça ressemble un peu plus à la liberté, à quelque chose qu’elle aurait choisi. Au bonheur ? Elle s’en foutait d’être heureuse, elle voulait juste être libre. Quel qu’en soit le prix. Elle sait où elle en est, par où elle est passée, à défaut de savoir où elle va maintenant. Après tout ça, elle a au moins fini par apprendre que dans la vie, on ne peut pas tout avoir.

Au moins, elle est en vie, et pas en prison - ce qui est objectivement une grande réussite en comparaison de la plupart de ses ex-collègues assaillants. Elle a même un appartement, un boulot, et une nouvelle coupe de cheveux ; c’était pas gagné, surtout en considérant un peu ce qu’elle avait avant. Elle a troqué le château en Angleterre contre un studio bulgare, la diplomate en chasseuse de loup-garous, la famille qui la vampirisatrice contre… un chat snob et désagréable. Qu’elle a failli appeler Valeryon.
En chemin, elle a gagné quelques cicatrices, perdu quelques centimètres de cheveux, pris une gifle d’humilité tellement forte qu’elle a eu l’impression de désapprendre et réapprendre la vie - après vingt-cinq ans d’existence, un score très honorable pour la Dragonstone qu’elle a été. Qu’elle n’est plus ; trop de choses ont changé, aujourd’hui. Le fait qu’elle ait employé les cinq dernières années à fuir cette famille de toutes ses forces n’y est certes pas pour rien. Elle est restée Valkyria, ou redevenue, d’une certaine façon. Qui elle est, c’est encore un peu abstrait ; quelque chose, quelqu’un entre la Visenya qu’elle a été et la Valkyria qu’elle présente au monde, drapée dans ses mensonges. Parfois elle se demande si elle n’aurait pas mieux fait de changer de prénom pour de bon ; comme si ça allait régler le problème. Elle accepte doucement l’idée qu’elle ne se débarrassera jamais d’elle-même et de ce qu’elle traîne derrière son dos, à défaut d’avoir encore les épaules pour le supporter. Ca fait longtemps qu’elle a cessé de croire qu’elle en était aussi capable que ce qu’elle a toujours pensé. Le poids de son passé, de ses erreurs, de ses hontes et de ses regrets. Des excuses qu’elle n’a jamais adressées et des larmes qu’elle a versées trop tard. Aucun de ses démons ne l’a abandonnée, elle a juste arrêté de faire comme s’ils n’existaient pas. Ca aurait changé beaucoup de choses si elle en avait été capable plus tôt.

Derrière elle, la musique s’élève, arrière fond sonore auquel personne ne semble prêter attention ; elle-même n’y accorde qu’une oreille distraite, jusqu’à ce que la voix de la chanteuse s’élève, perçant l’espace pour venir se ficher dans sa tête, rompre le fil de ses pensées, ne laisser rien résonner que les mots de la chanson qui dépoussièrent peu à peu les souvenirs d’une autre vie, laissant lentement se dessiner l’image d’un fantôme dont elle n’avait osé espérer croiser le chemin à nouveau. Ses prunelles écarquillées se sont figées au loin, quelque part entre l’instant suspendu du présent, et le fourmillement de sa mémoire qui lui fait ressentir contre sa peau la douceur de draps de soie, la chaleur d’un souffle et puis, le picotement glacé de la pluie, la morsure de la douleur et l’odeur du sang ; le climat de terreur de Domovoï’s Rock, l’angoisse de l’incertitude. La brûlure de la trahison et le goût âcre de l’erreur, de l’échec. L’amertume implacable des regrets. Envahissante.

Lorsque Valkyria se retourne, lentement, elle sait déjà sur qui son regard va se poser. Sur la scène, dans la lumière tamisée, elle te discerne enfin, peinant à en croire ses yeux. Elle aurait pu douter, s’il n’y avait pas eu ta voix ; ces cheveux bruns, et ces brûlures, partout : tu es méconnaissable. Un déguisement ? Elle peine à le croire ; tu aurais pu choisir n’importe quoi pour disparaître, alors pourquoi ça ? Elle opte pour l’option explosion du Rocher. Son coeur se serre, un peu ; elle aurait pu, dû y être peut-être. Mourir là-bas, ou survivre comme toi, comme ça. Elle n’a rien payé, elle, pour ses crimes, pour le mal qu’elle a causé, aveugle, les blessures fatales qu’elle a laissées à d’autres en s’enfuyant ; elle a tout abandonné en même temps que la vie. Tout balancé. Ca a quelque chose de profondément injuste, qui lui donne immédiatement envie de s’enfuir en courant. Mais elle ne bouge pas. Elle écoute ta voix, essaie de se souvenir, un peu mieux encore, des notes chantées à mi-voix au creux de son oreille, au milieu de la nuit, dans un monde où elle pensait encore que demain aurait un sens. Ne serait-ce que pour cette nuit.

« My baby shot me down… » La lumière se rallume, rompant le charme, tandis que tu t’éloignes en vitesse de la scène sous quelques timides applaudissements auxquels elle ne prend pas part, encore sous le choc et incapable de se décider sur la démarche à suivre. Elle devrait s’enfuir. Payer, tourner les talons, franchir la porte et ne jamais remettre un seul pied dans cet établissement. Et si tu la reconnaissais ? Si tu la balançais ? Elle a trop à perdre, rien à gagner. Dans le meilleur des cas, en la reconnaissant, tu lui demanderas de se casser. Alors quoi ?
Elle sait ce que ça donne quand on lui agite une mauvaise idée sous le nez.

En t’entendant discuter avec ton collègue, elle tourne légèrement la tête vers toi. Tu ne l’as pas encore remarquée, n’est-ce pas ? Ou alors tu l’évites sciemment. Dans tous les cas, elle ferait mieux de s’en aller tant qu’il est temps. « A tout à l’heure, Vesp’. Fais gaffe au client de droite, je crois qu’il a un peu abusé de whisky Pur Feu. » Elle jette un oeil au type en question, tanguant légèrement sur sa chaise. Avec elle, il est le seul client au bar ; le seul assez proche pour l’entendre si elle parle, maintenant que le serveur s’est éloigné. La jeune femme prend une discrète inspiration, tâchant tant bien que mal de se raisonner, s’exhortant à s’en aller. Son coeur cogne avec force dans sa poitrine ; c’est comme se jeter dans le vide. Facile.

Soupir silencieux. Pourquoi elle lute ? Elle sait très bien qu’elle ne le fera pas ; renonce pour de bon en réalisant qu’elle sait déjà comment elle va s’y prendre pour forcer ton attention à s’arrêter sur elle, ne serait-ce qu’un quart de seconde de plus que sur les clients habituels.
D’un geste malheureux du dos de la main, elle bouscule son verre dont le contenu s’échappe sur la surface du comptoir, tandis qu’elle fait semblant de sursauter. « Maldita sea » grogne-t-elle, à voix haute, dans un espagnol qu’elle se félicite de maîtriser encore. Vivement, elle s’empare d’une serviette en papier qui traînait juste à côté et éponge la liqueur ; alors que de l’autre main, elle lance un reparo informulé sur le verre. Puis, relevant la tête dans ta direction, elle te devine légèrement en alerte, bien que tu ne la regardes toujours pas. « Por favor ? Puede traerme usted otra copa ? »
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Ven 1 Juin 2018 - 2:05




Combien de temps se pensait-elle capable de supporter cela ? Combien de temps devrait-elle regarder le dehors et se dire qu’il n’était plus à elle, que ça ne servait à rien d’y penser de toutes ses forces ? Combien de temps avant d’abandonner, de tout envoyer se faire foutre comme elle le faisait toujours ? Elle savait que ça n’arriverait plus. Une partie d’elle s’était envolée, brûlée comme sa peau avec le Rocher et tout ce qu’elle y avait laissé. Sa dignité, sa fierté, son indépendance. Elle avait laissé les dernières miettes de ce qui était elle, son nom, son avenir, sans qu’elle puisse jamais faire le moindre pas en arrière. Sa seule raison d’être encore debout était encore suffisante, mais ensuite ? Quand Mateo serait grand, que lui resterait-il ? Alors que ses yeux verts parcouraient l’assemblée, elle pinça doucement les lèvres, le torchon dans les mains, comme la pauvre fille qu’elle avait finalement fini par devenir. Ou qu’elle avait toujours été, au choix. Finalement, c’était quoi la différence, quand le résultat était le même ?

Son regard erra sur ses cheveux devenus ternes, sa silhouette maigre qui ne survivait que grâce à l’Iskra, qui soignait sa douleur, apaisait sa tourmente, lui donnait la force de se lever chaque jour pour affronter un autre moment fade, sans la moindre saveur. Les visages dont elle se souvenait étaient partis en fumée, et revenaient parfois la hanter. La nuit avait ses démons, et ils venaient la harceler, instants après instants, sans qu’elle soit capable d’y faire quoi que ce soit. Ils revenaient les uns après les autres, sous des formes diverses, des ombres dans la rue, des regards qu’elle croisait. Qu’étaient-ils devenus, tous, ceux qu’elle avait fini par considérer, ceux qu’elle n’avait aimé qu’une seule fois ou au contraire, pendant un temps bien trop long ? Ils n’étaient pas là, et c’était une chance. Elle avait décidé de ne plus jamais faire ça, de ne plus jamais se rendre si vulnérable. Sa carapace dure et froide s’était reconstituée, lentement, sur un avenir brisé qu’elle ne réussirait pas à réparer cette fois. Les jours qui suivraient seraient aussi fades et gris que tous ceux qu’elle connaissait depuis cinq ans.

Son regard se promena une seconde sur les gens installés aux tables, discutant tranquillement de choses futiles, de loisirs, de plaisanteries. Elle n’avait jamais vraiment connu ça, Eva, l’insouciance. On la lui avait enlevée dès l’enfance, quand on s’était mis à considérer que la magie était l’oeuvre du diable, dont elle était l’incarnation. ça ne s’était jamais vraiment arrêté, ensuite ; ou si, pendant quatre ans, quatre merveilleuses années qu’on lui avait arraché, comme un énorme morceau de scotch sur les lèvres pour l’empêcher de hurler. Et là, qu’est-ce qui l’en empêchait ? Le dépit. On lui avait dit beaucoup trop souvent de tenir, que ça finirait par aller mieux. La vérité, c’était que la vie pour elle, c’était devenu une succession de sauts de l’ange avec un bandeau devant les yeux. Si on avait la chance d’y survivre, on montait juste encore pour faire le second. Avec un soupir, elle reporta son attention sur son verre. Quelle importance, finalement.

Bruit de chute. Elle tourna vivement la tête, pour voir le verre d’une cliente rouler sur le comptoir, répendant son contenu un peu partout. Elle étouffa un juron, agacée, et tenta un pas pour s’approcher avant que l’inconnue se redresse, en grognant. « Maldita sea » Interloquée, elle manqua d’en lâcher son propre verre. C’était qui, cette nana ? Elle avait la tête résolument baissée, quand elle se pencha pour saisir une serviette et qu’elle répara le verre. « Por favor ? Puede traerme usted otra copa ? » “Claro que si” grommela la jeune femme, reportant son attention sur le placard duquel elle tira une bouteille. Pas de baguette magique pour elle ; ça aussi, elle l’avait laissée quelque part, au milieu des cendres. Avec son violon, sa musique, et tout ce qui faisait qu’elle avait été elle, un jour.

Lorsqu’elle releva la tête, la femme avait fait de même ; ça la frappa, comme une immense claque en plein visage. Elle manqua bien d’en reculer d’un pas, les mains soudainement tremblantes ; qu’est ce qu’elle foutait là. Pourquoi fallait-il qu’on la harasse, sans arrêt, alors qu’elle avait fait ce que tous attendaient d’elle finalement, non ? Elle avait disparu. Elle s’était volatilisée, et pourtant, le fantôme de la Dragonstone se présenta à elle, là, sous son putain de nez. Elle cligna des yeux, une fois, puis deux, mais le visage resta le même. Ses cheveux courts auraient pu la tromper, mais pas l’éclat de ses yeux clairs, pas ce regard éteint, égaré. Elle aurait dû s’en douter, putain. Qui aurait pu savoir qu’elle était espagnole, ici, qui aurait pu deviner ? “Qu’est-ce que tu fous là.” lâcha-t-elle dans un sifflement furieux, soudain. “Qu’est-ce que tu viens voir, exactement ?On ne s’est pas tout dit, Valk ? Il fut un temps ou c’était toi, pourtant, qui me fuyais. Où en était-elle, maintenant, hein ? Qu’est-ce que ça lui avait apporté, qu’est-ce que ça leur avait apporté ? Elle posa brutalement la bouteille sur le comptoir. “Dégage.Et ne regarde pas ce que je suis devenue.
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Lun 2 Juil 2018 - 17:04

Pourquoi, quand deux chemins se présentent à Valkyria Dragonstone, faut-il systématiquement qu'elle opte pour le mauvais ? A croire qu'elle en a fait son mantra : Championne internationale en matière de mauvaise décision depuis mille neuf cent soixante seize. Visenya au lieu de Valkyria, obéissante quand il aurait fallu dire non ; convaincue de la légitimité imaginaire de chacun de ses actes, du mérite que lui valait sa vie entière. Chacune des choses en lesquelles elle a décidé de croire, chacune des décisions qu'elle a prises en pensant ne pas avoir le choix. Un complot mondial dirigé contre sa petite personne si importante. En regardant derrière elle, elle se demande comment elle a fait pour se laisser aveugler si longtemps, pour croire encore en ce qu'elle savait pourtant être des chimères. Pour foncer dans le mur, tête baissée. Comme ce soir. Dire qu'elle pensait avoir fait du chemin ces cinq dernières années ; visiblement, tu es l'une des exceptions au discernement qu'elle pensait finalement avoir acquis.
L'émeraude de ton oeil valide se fige dans l'azur de son propre regard ; elle en est interloquée, à son tour. Elle avait vu les cicatrices, mais elle n'avait pas vu ça. Tu l'as perdu sur l'île, aussi ? La moitié du visage, un oeil, ta baguette... il semblerait qu'elle ne soit pas à plaindre, elle. Parfois, elle se sent coupable de s'en être sortie aussi bien. Mourir, c'était la solution la plus facile. Tout laisser derrière, sans se retourner ; pour la dernière fois, parce qu'à force de fragmenter tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle a, il ne va bientôt plus rien lui rester à abandonner - et un jour elle n'aura même plus la volonté de recommencer.
Mais pourquoi recommencer, hein ? Personne ne la connait en Bulgarie, personne ne l'a jamais suffisamment connue pour être capable de la reconnaître sans qu'elle l'ait décidé au préalable. Tu en es la preuve, non ? Maintenant qu'elle a attiré ton attention pourtant, ça ne signifie plus franchement qu'elle n'est pas en danger. Tu n'aurais qu'à dire quelques mots, il ne suffirait pas de grand chose pour remettre les Dragonstone sur sa piste. Faire voler en éclats tout son nouveau monde. Le discernement, c'est très abstrait dans l'absolu.
Imbécile. Elle aurait dû s'en aller. Partir tant qu'il était temps, quand tu ne l'avais pas vue. Elle aurait dû, comme elle aurait dû tout un tas d'autres choses, tant qu'il était encore temps. Impossible de revenir en arrière, pour cette dernière minutes, ou ces dernières années.

Qu’est-ce que tu fous là.” Le ton est furieux, discret. Elle te regarde sans répondre, tâchant avec peine de détacher son regard de la partie brûlée de ton visage. “Qu’est-ce que tu viens voir, exactement ?” Piquée au vif, elle plante finalement ses yeux dans ton oeil, délaissant les brûlures. Qu'est-ce que tu imagines ? Qu'elle t'a cherchée pour te retrouver ? Qu'elle est ici pour toi ? C'est mal la connaître ; elle n'a jamais fait ça pour personne auparavant. Cinq années de solitude quasi-totale ne l'auront pas rendue plus altruiste. “Dégage.” Et toi, pas plus aimable.

"Pas la peine de me parler sur ce ton." Elle fait, en anglais, sans animosité. "Ce n'est pas pour toi que je suis là." D'un geste leste, elle s'empare de la bouteille que tu as délicatement posée sur le comptoir, avant de la déboucher et de remplir son verre. "C'est seulement pour ça." Elle retient un soupir, refermant le goulot avant de repousser le contenant vers toi. Elle jette un oeil vers ton visage furieux, prenant une gorgée d'alcool avant de reprendre la parole, doucement. "Je ne savais même pas que tu étais encore au pays." Comment aurait-elle pu s'en douter ? Un rire sec s'échappe de ses lèvres. "En fait je ne savais même pas que tu étais encore en vie." Difficile de prendre des nouvelles des rescapés de Domovoï's Rock sans trahir sa propre survie. Si ça ce n'est pas une raison suffisante de croire qu'elle ne dira rien à personne au sujet de la fuite de soi-disants criminels. Elle reprend une gorgée, puis une autre. Pose un nouveau regard sur toi, soudain songeuse. Comment c'est possible, que tu sois devant elle, plus étrangère encore que la dernière fois ? Comment c'est possible, qu'elle te retrouve après tout ce temps, alors qu'elle a dépensé tant d'énergie à arrêter de l'espérer ? Elle n'aurait pas pu s'en aller sans te confronter, même si elle l'avait voulu. Ta voix résonne trop fort en elle, le souvenir de ce que vous avez partagé prend encore trop de place dans la partie de sa mémoire qu'elle cherche en vain à oublier depuis si longtemps. Ca, et la certitude que si elle est là aujourd'hui, c'est aussi grâce à toi. "Contente de voir que c'est le cas." Sa nonchalance est fausse, elle sait que tu peux le comprendre. Mais tu n'as pas plus envie d'entendre l'émotion qui pulse sous sa peau qu'elle n'a envie de la formuler. L'amour qu'elle t'a porté, le manque qu'elle a ressenti, les remords qui l'ont dévorée. Le pardon qu'elle aurait dû demander. Si elle n'a rien fait à l'époque où ça aurait encore pu avoir du sens, ce n'est pas pour le faire maintenant ; expédier quelques mots au mauvais endroit, au mauvais moment, pour les mauvaises raisons. Peut-être que vous avez définitivement manqué la seule occasion, le seul moment où il aurait été possible que vous vous compreniez. Tant pis, tant mieux. Peut-être que si elle se sent liée à toi encore aujourd'hui, c'est à cause des regrets, des remords, de l'amertume et du chagrin ; du pardon qu'elle n'a pas demandé, de l'aide qu'elle n'a pas apportée. Le profond sentiment d'injustice, d'inachevé. Est-ce que ça compte quand même, de tenir encore à quelqu'un mais pour les mauvaises raisons ? Quelque chose lui dit que de toute façon, ça n'aurait rien changé au regard furieux qu'elle rencontre quand elle parvient à croiser ton regard. Elle le soutient plusieurs secondes, sans rien dire, sans poser la question, tout à fait consciente de la réponse que tu lui jetterais à la figure. Est-ce que tu me détestes ? Un soupir franchit ses lèvres, alors qu'elle baisse les yeux, s'accrochant à son verre de tord-boyaux. "T'en fais pas, je vais m'en aller. Mais avant je vais finir mon verre si tu veux bien."
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Jeu 5 Juil 2018 - 20:39

Oh, il était certain qu’elle avait fait des erreurs, Eva.
Elles résidaient pour la plupart dans la série de mauvais choix qu’elle avait fait, lorsque Lancelot était mort. Tout était parti de là au final, pas vrai ? Sa vie était devenue un véritable charnier ensuite, rien de plus que les cendres du bonheur qu’elle avait à peine eu le temps d’effleurer avant de le voir partir en fumée. Ensuite, elle s’était retrouvée là, ballotée entre un ailleurs et nulle part, entre tous ces regards qu’elle avait caressés et qui l’avaient ensuite si habilement poignardée qu’elle en fuyait, tous les jours, perdant une partie de son âme à chaque fois que ses pensées remontaient jusqu’à ces souvenirs qu’elle avait crus heureux, un jour. C’était dérisoire. Rien de plus qu’une longue et atroce série de mensonges, de faux semblants, de mots qui n’avaient jamais été dits, de gestes qui n’avaient jamais été faits, d’actes manqués.

Lorsqu’elle s’endormait, elle espérait parfois fermer les yeux et les ouvrir ailleurs, dans un endroit du passé où on l’aurait faite prisonnière. La chambre décorée de blanc et de gris, le salon jonché de partitions, d’instruments posés là un peu au hasard, les fenêtres directement percées sur le toit de l’immeuble. Ces oiseaux qu’elle regardait s’envoler depuis les tuiles, le ronronnement de Paris et l’assurance qu’elle avait trouvé sa place, que rien ne pourrait jamais rendre sa vie plus belle, plus exaltante. Elle revoyait son sourire, quand elle croisait le regard de son petit garçon. Le plus beau cadeau que son étrange vie lui avait offert était là, à portée de main. Elle la tendait pour s’en saisir ; et c’était le feu, les cris, l’odeur insoutenable de chair brûlée, les cadavres méconnaissables, une longue chute dans l’eau et plus rien ensuite, rien que la douleur, rien que la solitude. ça, et les yeux vermeils de Mateo qui brillaient encore, seule lueur de bonheur, fugace, dans ses pensées indéchiffrables.

Au milieu de tout cela, il y avait elle. Elle était là sans y être, à peine un fantôme qu’elle avait cru morte, morte et enterrée. Mais la Dragonstone avait toujours su s’en sortir, jamais de la bonne manière mais elle avait toujours su. Et maintenant ? Qu’avait-elle fait durant ces cinq ans, s’était-elle encore écoutée, à se dire que le monde était mauvais, cruel et dur avec elle ? Elle ne savait rien de ces choses là. Dans son joli palais, avec tous ces connards de serviteurs, elle n’avait jamais rien pu savoir de la souffrance, la vraie, celle de la crasse, de la peur, de l’incertitude, de l’insécurité. La lueur sauvage qu’elle avait tant aimé regarder dans ses yeux bleus n’était finalement peut-être qu’un leurre, un autre, auquel elle avait cru l’espace d’une nuit. Puis elle avait choisi, et tous les deux, ils n’avaient jamais fait que lui faire regretter chacun de ses pas. Adonis, en lui refusant cette place qu’il lui avait pourtant ouverte, en restant Mordred là où l’autre n’avait eu de cesse de l’appeler. Et Valkyria, Visenya Encore ce miroir à deux visages, deux noms pour un seul corps, et la certitude dans le coeur d’Eva que jamais aucune de ses erreurs ne serait pardonnée.

Et elle, saurait-elle le faire ? N’étais-ce pas pour cette raison que ses pas l’avaient conduite ici et que lorsqu’elle l’avait vue, elle avait choisi de ne pas l’ignorer ? Pourquoi n’as-tu pas tourné les talons, Valk ? Il fallait qu’elle parte, qu’elle s’en aille. Elle avait raturé ces pages-là de son histoire, à en percer les feuilles moisies de larmes. Qu’elle ne vienne pas réveiller ce  qui avait si bien dormi durant cinq années.
Mais la Dragonstone ne bougea pas, bien au contraire. Son regard se figea dans le sien, brûlant d’un avertissement muet auquel Eva ne répondit absolument rien. "Pas la peine de me parler sur ce ton." Et comment aurait-elle dû parler, très chère ? Aurait-elle dû l’accueillir à bras ouverts ? Ils pensaient quoi, d’elle, au final, qu’elle n’était rien qu’une chienne tout juste bonne à aboyer, que les êtres comme elle étaient dénués de tout autre sentiment que la colère ? Renfrognée, elle croisa les bras.

"Ce n'est pas pour toi que je suis là." Elle saisit la bouteille posée près d’elle, et en remplit son verre. Pour quelle raison alors ? Qu’est-ce qui pouvait amener cette femme dans le seul endroit où elle n’aurait jamais dû aller ? "C'est seulement pour ça." Eva plissa le nez sans répondre. Alors donc, c’était cette solution-là que la petite princesse avait fini par trouver. Elle en aurait volontiers ricané, si elle n’avait pas trouvé ça atrocement pathétique.

Mais elle ne riait pas, Eva, elle était même très loin de le faire. "Je ne savais même pas que tu étais encore au pays." Vraiment ? La jeune femme se mit à rire. Eva, elle, trouva la réponses dans un regard qu’elle détourna. Le bar se vidait, peu à peu. Bientôt, il ne resterait sans doute plus qu’elles, son collègue et le type croisé gobelin qui ronflait, un peu plus loin. "En fait je ne savais même pas que tu étais encore en vie." Parce que ce n’était pas le cas. Elle était morte, en même temps que tous les autres, là-bas sur l’île de Domovoï. L’iskra avait ensuite pris la relève, et fait le reste du travail. "Contente de voir que c'est le cas." “Ha !” ricana-t-elle sans conviction, en la regardant boire un verre, puis un autre, noyant sa réalité dans l’éthanol pour oublier qu’elle devrait un jour combattre ce qu’elle cherchait encore à fuir. Eva ne disait rien, parce qu’elle ne faisait pas mieux de toute façon. Que se serait-il passé, autrefois, si tu avais choisi de comprendre, et de me pardonner ?

Elle croisa deux yeux clairs qu’elle soutint, incapable d’afficher d’autre expression que la rage pour cacher sa détresse, son incompréhension, son hébétude, comme on aurait les yeux écarquillés après un marron en pleine figure. C’était ça qu’elle lui faisait Valk, qu’elle lui avait fait à Domovoï, une série de coups de poing à chaque fois qu’elle la voyait, des paires de claques, des châtaignes. Rien que de la douleur, ça et seulement ça, à des centaines de milliers de lieues de ce qu’elle avait ressenti, ce soir-là, en passant la main dans ses cheveux. Pour une nuit, elle avait été capable de tout oublier. Et ça s’était cassé la gueule. Pour ne pas la voir souffrir, elle avait effacé ce bonheur, pour que jamais il ne lui manque. Et elle lui avait fait payer très cher cet écart. "T'en fais pas, je vais m'en aller. Mais avant je vais finir mon verre si tu veux bien." Elle avait baissé les yeux, remettant le nez dans son verre. Le sang de la jeune espagnole ne fit qu’un tour.

Elle fut aussi surprise que la Dragonstone quand sa main fendit l’air pour se saisir du verre, qu’elle écarta brutalement de sa main blanche. Elle pensait ne plus être capable de ressentir tout ça, mais si. Si, elle le pouvait encore. Valkria était encore capable de la mettre en colère. “Pas si vite. Maintenant que tu es là, j’ai une petite chose à te demander, et pour que tu répondes, il va falloir que tu sois capable d’articuler une phrase cohérente.” La réplique suintait le mépris, alors que son regard cherchait de nouveau le sien, hargneux. Elle recula quand elle fut certaine que la blonde ne retournerait pas chercher secours auprès de son verre ; rageusement, elle en attrapa un dans l’évier, et se mit à l’essuyer avec vigueur. “ça te fait quoi, dis-moi ? Toi qui était si persuadée que le monde était contre toi, ça te fait quoi maintenant que c’est vrai ? Que tu es toute seule, qu’il n’y a personne pour te sortir du moindre faux pas, pour te protéger ?” Toutes ces années où elle aurait voulu lui envoyer tout ça par la figure, lui hurler comme elle lui avait fait du mal, sans que jamais elle soit capable de s’en rendre compte ? Tout ça pour quoi ? Pour quelques putains d’heures qu’elle avait volé à la détresse, et qu’elle payait encore, comme tout le reste. “C’était tellement facile à l’époque, de croire que les autres étaient responsables, tellement facile de donner cette place que tu es en train d’occuper aux autres. Maintenant, tu sais ce que ça fait.” Eva, ça faisait de longues années qu’elle savait. Elle se rapprocha de nouveau, alors que Valkyria ouvrait la bouche, sans doute pour protester, l’insulter, avant de se lever et partir. Qu’elle parte. Casses-toi si ça t’amuse, de te cacher indéfiniment de la vérité.Mais ça.” D’un geste rapide, elle rejeta ses cheveux ternes en arrière, dévoilant son visage fondu, son cou brûlé, son épaule nue et grêlée, son bras devenu frêle, méconnaissable. “C’est de votre faute, à tous.” Qui l’avait protégée, elle ? Qui avait pansé ses blessures, qui l’avait suffisamment considérée un jour pour lui faire une véritable place ?

Les narines frémissantes de colère, elle la regardait, cette fille, qu’elle avait piégé dans sa minuscule toile, puis qu’elle avait libérée, prise de remords. Cette fille qui l’avait ensuite écrasée sans ménagement quand était venu le moment de tout lui expliquer. Elle n’avait vu que la toile. “Alors, dis-moi, lâcha-t-elle enfin, la voix grondante. T’as pas répondu. ça te fait quoi ?
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Dim 5 Aoû 2018 - 3:22

C’est amer, dans sa gorge. Est-ce que c’est l’alcool ? Pas sûr. Ca l’a trop brûlée pour qu’elle en discerne encore le goût exact. De longs fragments de sa mémoire se sont envolés à cause de ce poison ; souvenir diffus de jours entiers passés à boire pour ne plus rien sentir, ne plus rien entendre. Parfaire l’aveuglement qui a été le sien pendant trop longtemps et accepter une fatalité factice avec laquelle elle a prétendu être fatiguée de se débattre, comme si c’était une solution. Maintenant c’est surtout une habitude, un repère idiot, de ceux qu’on garde par confort et encore plus quand on ne sait pas dans quelle direction regarder.
Elle était si fatiguée, seulement quelques années en arrière. Si lasse. A prétendre qu’elle en avait déjà trop vécu, qu’elle avait déjà déjà trop changé, qu’elle ne savait ni qui elle était ni qui elle voulait être. A se persuader verre après verre que ça n’avait pas d’importance de toute façon. Le pourquoi du comment, pour qui pour quoi et à quoi bon. Personne n’a pu lui donner la réponse, l’alcool ne l’a pas fait non-plus. Entre temps, elle a arrêté de croire que la solution viendrait des autres, et de dénoncer comme une injustice le fait que rien ne lui soit dû. C’est pour ça peut-être, qu’elle ne sait pas quoi te dire. Que tout ce que peut porter sa voix, c’est l’amertume grinçante d’erreurs trop vieilles pour être pardonnées.
Alors elle boit. Plus trop, juste pour rester encore un peu. Jouer avec le feu de souvenirs pas si lointains, comme si ça lui donnait l’illusion que tout n’était pas déjà achevé depuis longtemps.
Elle porte le verre à ses lèvres, tranquillement. Convaincue qu’elle traversera cette soirée comme toutes les autres et qu’au final, t’avoir retrouvée ne changera rien du tout. Tu la laisseras repartir, elle ne te retiendra pas. Votre petit échange a déjà bien montré que vous n’avez plus rien à vous dire, et que l’illusion dont elle se berce pour soulager sa conscience n’est rien de plus que ça. Parce que tout est déjà achevé depuis longtemps.

Et alors qu’elle attend la brûlure du whisky dans sa gorge, ta main est plus rapide ; le geste est vif, trop inattendu pour qu’elle esquive. Le verre lui est arraché, et elle est si stupéfaite qu’elle ne réagit pas, l’expression figée par le surprise. “Pas si vite. Maintenant que tu es là, j’ai une petite chose à te demander, et pour que tu répondes, il va falloir que tu sois capable d’articuler une phrase cohérente.” Un furtif sourire étire le coin de ses lèvres ; tout ce mépris ne l’étonne pas. Elle n’est pas sure de le mériter ; après tout, elle ne s’en est pas si mal sortie. Ton avis importe peu ; tu ne t’en es pas sortie mieux qu’elle, comme la moitié de la ville. Tu crois qu’elle ne voit pas les marques sur tes bras ? L’iskra, le whisky. Méprise-la si ça t’amuses ; chacune son truc, et chacune son aveuglement. “ça te fait quoi, dis-moi ? Toi qui était si persuadée que le monde était contre toi, ça te fait quoi maintenant que c’est vrai ? Que tu es toute seule, qu’il n’y a personne pour te sortir du moindre faux pas, pour te protéger ?” Malgré le détachement dont elle essaie de se farder, ça gronde dans son ventre. Ca sonne comme un cri trop longtemps étouffé, écrasé. Depuis combien de temps ça macère entre tes côtes ? Ca a eu le temps de pourrir, ça s’entend, ça blesse comme une lame rouillée. Métal dégueulasse qui s’enfonce entre les os, ça la fait suffoquer un peu. Qu’est-ce que tu veux ?C’était tellement facile à l’époque, de croire que les autres étaient responsables, tellement facile de donner cette place que tu es en train d’occuper aux autres. Maintenant, tu sais ce que ça fait.” Et alors ? a-t-elle envie de répondre, portée soudain par la colère. Les mots se bousculent, elle veut crier, comme si ça allait apporter quoi que ce soit ; protester, parce qu’elle n’a plus besoin de subir ça. “Mais ça.” Tu découvres ton visages, tes blessures, sèchement. Et elle se tait. Elle regarde. “C’est de votre faute, à tous.” Valkyria se tait, s’applique à ne pas bouger. A ne pas sourire, même si elle trouve ça cruellement amusant, la façon dont les rôles se sont inversés.

La colère s’en est allée aussi vite qu’elle est apparue ; elle ne sait pas vraiment ce qu’elle doit faire, pas vraiment ce qu’elle ressent. Toi, tu frémis de colère ; elle le sait, soutient ton regard, sans broncher. Est-ce que tu te retiens de lui éclater la tête sur le comptoir ? Sérieusement, elle se pose la question, puis s’estime simplement heureuse que tu sembles décidée à te retenir malgré tout. “Alors, dis-moi. T’as pas répondu. ça te fait quoi ?

Elle cherche son verre, le trouve trop près de toi à son goût. Elle ne l’attrapera pas sans que tu l’interceptes. Dommage. Elle pince les lèvres, contrariée. « Qu’est-ce que ça peut te faire ? » Elle demande, pour de vrai, sans rhétorique. Ca t’intéresse, pour de vrai ? Elle se pose la question. Est-ce que tu veux savoir ou est-ce que tu veux juste qu’on t’entende ? Elle n’est pas étrangère à la démarche. « Ca te fait si plaisir que ça, de savoir que j’ai finalement eu ce que je mérite ? » Elle conçoit, ça la fait sourire, un peu plus douloureusement qu’elle ne veut bien le reconnaître. Mériter, elle n’a jamais vraiment réussi à comprendre ce qu’il en était à son propre sujet, mais elle ne doute pas un instant que tu aies une idée très précise sur la question. « J’ai du mal à comprendre ce que tu attends comme réponse. Ce que ça m'a fait ? Assez de choses pour que j’arrête de passer mon temps à pleurnicher. » Après vingt-trois ans de pratique, autant dire que ça faisait partie de ces habitudes qui sont difficiles à perdre. « Et à blâmer le monde entier pour ce qui m’était arrivé. » Elle en est seule responsable et s’il lui a fallu longtemps pour le comprendre, c’est une vérité qu’elle refuse à présent de remettre en question. Ce qui n’a pas l’air d’être ton cas. Elle ne t’a pas obligée à venir sur l’île. Elle n’y a pas fait venir ton fils, non-plus. A ce qu’elle sache, personne d’autre que toi n’est responsable de cela, mais elle ne s’amusera pas à te le faire remarquer. Elle n’est pas là pour se battre. « Mais tu dois déjà le savoir. La gamine que tu as connue n’aurait jamais survécu à ce monde-là toute seule. » Et peut-être bien que c’est la raison pour laquelle tu ne l’as pas emmenée la première fois. Le silence s’étire, un peu ; elle réfléchit, hésite. Cherche sur ton visage ravagé la réponse à la question qu’elle s’apprête à formuler. « Je me demande si on finit par s’y faire, à cette solitude. » Son regard court sur les vestiges du feudeymon, glisse lentement le long des cicatrices. « Ou si ça finit par nous grignoter entièrement. »

Les lèvres pincées, elle ne soutient pas ton regard plus longtemps. D’un geste lent, récupère son verre encore à moitié plein, et en prend une longue gorgée. Amère. « Satisfaite ? »
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Sam 18 Aoû 2018 - 17:14

Qu’est-ce que ça te fait Visenya, Valkyria, ou peu importe le nom que tu te donnes ? Elle se pose vraiment la question, Eva. D’un côté, elle sait parfaitement, elle, ce que ça fait. Elle connaît le froid qui mord, le poids fou de la solitude. Elle en a fait les frais pendant cinq ans, en s’imaginant que c’était encore la seule solution qui lui permette de s’en sortir sans plus de cicatrices que celles qu’elle arbore déjà. Elle ne sait pas si elle en est ressortie plus forte ou plus faible, elle connait simplement désormais l’étendue de sa valeur. Elle sait ce qu’elle peut, ce qu’elle ne peut pas faire ; elle connait désormais ses priorités, et les assume. Alors, lorsque le regard d’Eva se pose de nouveau sur la Dragonstone, l’expression de sévérité mêlée de colère qu’elle arbore ne souffre d’aucune équivoque. Que se serait-il passé si elle était restée, cette nuit-là ? Elle s’est posée la question des milions de fois, s’est demandée si elle avait commis une erreur. Mais elle sait très bien que non ; il n’y a qu’à voir l’air indifférent que la blonde affiche, dissimulant à la hâte une colère fugace qui pourtant est bel et bien passé dans ses yeux clairs. Eva n’en a pas perdu une miette.
Elles se font face, comme deux louves devant  un cadavre, tournant autour de l’autre pour en évaluer la dangerosité. Ce n’est pas la première fois que ça arrive ; mais cette fois, il n’est pas question d’intrusion. Elles se sont déjà fait beaucoup trop de mal, et c’est la dernière fois qu’Eva cherchera à demander des comptes.

Des comptes auprès de tous, pour tout ce qu’elle a perdu, tout ce qui s’est détruit ; alors que la jeune femme observe son verre plein, Eva ne la lâche pas des yeux, attentive, à l’affût de la moindre action, du moindre mot. Elle s’empêche de toutes ses forces de s’évader d’un ailleurs auquel elle n’a que très peu d’accès ; l’arbre de ses avenirs qui perd ses branches, l’une après l’autre. La première, c’était Adonis, et la façon dont en quelques mots, il a détruit tout ce qu’elle s’était imaginée bâtir. Les fondations d’eux sont restées, solides, néfastes. Nécessaires.

Et puis elle, cette fille, cette fille contre qui elle s’est assoupie le temps d’une nuit, une seule, oubliant pour quelques heures la simple précarité de sa vie. ça lui a plu, et elle le sait, de rêver d’une fuite, loin, avec elle, de tout plaquer et de l’apprendre, l’apprivoiser. Elle est partie, sciant encore une fois le rondin de bois sur lequel elle avait tenté de s’assoir. Elle sait qu’il n’y a aucun retour en arrière possible, et elle n’en a aucune envie. Mais quelque chose lui hurle, à l’intérieur, que si elle lui avait offert une chance, Valkyria n’aurait pas ensuite mis absolument tout en oeuvre pour piétiner ce qu’elle lui a offert. Elle se souvient de son regard, de l’empathie absente qu’elle y a vu. Elle se souvient comme elle lui a craché au visage, quand Eva a simplement tenté de lui faire comprendre qu’elle n’avait pas été la seule à en souffrir. Et aujourd’hui, est-elle capable de le voir ?

« Qu’est-ce que ça peut te faire ? » Eva veut savoir, parce que quelque part, son esprit malade serait satisfait de la voir souffrir. C’est cruel, elle le sait, mais c’est tout ce que ça lui fait, quelque part. Durant des années, elle a laissé la rancoeur la ronger sans jamais trouver l’occasion de la cracher au visage de qui que ce soit. Valkyria semble être, ce soir, la victime idéale. « Ca te fait si plaisir que ça, de savoir que j’ai finalement eu ce que je mérite ? » Elle hoche la tête. Oui et ça ne lui fait ni chaud ni froid de le reconnaître. Oui, ça lui fait plaisir, parce que Valkyria ne savait encore rien de la vraie détresse lorsqu’elles se sont rencontrées. Comment l’aurait-elle pu ? Elle se souvient de ce jour où elle a parlé d’elle à Mordred, qu’il lui a tout raconté d’un ton grinçant. Comment elle a cherché à devenir une autre sans accepter de renoncer à ce qu’elle était. Elle voulait tout avoir, et aujourd’hui, sa seule compagnie est ce verre qu’elle lorgne du coin de l’oeil et qu’Eva lui enverra dans la gueule si elle ose tendre une main. Oui, ça a quelque chose de cruellement satisfaisant. « J’ai du mal à comprendre ce que tu attends comme réponse. Ce que ça m'a fait ? Assez de choses pour que j’arrête de passer mon temps à pleurnicher. » Un ricanement s’échappe des lèvres fines de la musicienne. Elle n’a pas vraiment arrêté, quelque part, elle n’a simplement plus que l’alcool pour l’écouter. « Et à blâmer le monde entier pour ce qui m’était arrivé. » Elle ne comprend pas cette haine qui lui ronge les os, cette colère qu’elle ressent et qui fait trembler ses mains sur un verre qu’elle se met à essuyer rageusement.  Elle se met à penser à Mateo, à tout ce qu’elle a sacrifié, pour lui. Valkyria n’a jamais vécu que pour elle-même. Elle n’a jamais eu le sens du sacrifice.

« Mais tu dois déjà le savoir. La gamine que tu as connue n’aurait jamais survécu à ce monde-là toute seule. » Justement, c’est là qu’elle fait erreur. Visenya n’aurait jamais survécu que toute seule. Elle réfrène des paroles acides, tente de reprendre le contrôle de sa rage. C’est difficile, elle n’a jamais réussi, tout au plus a-t-elle ralenti le processus. Oui mais voilà, la revoir, c’est comme prendre une claque en pleine gueule, c’est comme penser ces et si ? sans le vouloir, c’est se demander à quel moment ça aussi, ça a merdé, qu’est-ce qu’elles auraient pu faire pour tout arranger. Elle a la réponse, et c’est ça qui la rend folle. Elle lui jette un regard hargneux. C’est toi qui as tout foutu en l’air. Le jour où elle lui a supplié de la pardonner, le jour où elle a accepté de lui rappelé qu’il y a eu quelque chose, entre elles, et que Visenya n’a répondu que par la colère et le mépris.

« Je me demande si on finit par s’y faire, à cette solitude. » Non, on ne s’y fait pas. Question suivante. Eva reste silencieuse, une nouvelle fois. Elle se sent prêtresse devant une confession, et ça la fait gerber. ça, ou le regard que la Dragonstone jette sur ses cicatrices. « Ou si ça finit par nous grignoter entièrement. » Les yeux d’Eva s’enflamment. Le verre propre et sec est brutalement reposé sur le comptoir. Elle en saisit un autre. Elle cherche à réfréner l’envie mordante de lui arracher son whisky des mains et de le jeter à travers la pièce. « Satisfaite ? » Elle ne valent pas mieux l’une que l’autre, pense la jeune femme avec amertume. Elles portent leur ire comme un étendard, et c’est à celle qui le lèvera le plus haut. Silencieuse d’abord, Eva reporte son regard sur le nouveau verre qu’elle essuie, un peu moins rageusement, cette fois. « A demi. Il y a des choses dont on a pas vraiment parlé, toi et moi. Tu es peut-être disposée à le faire maintenant que tu n’as plus rien ? » Elle se recule, légèrement, s’appuie contre le mur derrière elle.

« Tu as déjà eu quelque chose à perdre autre que toi, Valk ? Je suis presque certaine que tu vas me dire que j’aurais pu occuper cette place, si je t’en avais donné l’occasion. » elle crache, rageuse mais détacher. Elle ne lève même pas le regard vers la Dragonstone, ni vers son patron qui l’observe, l’oeil impatient. Aucune importance. Il y a des enjeux dans leur échange, un pardon qu’elle aimerait donner si seulement Valkyria reconnaissait sa part d’erreur. « Et maintenant ? Tu ne serais pas prête à tout pour récupérer ce qu’on t’a pris ? Les gens qui ont disparu de ta vie ? Quels risques tu serais prête à prendre, qu’est-ce que tu accepterais de perdre au nom de ça ? » son coeur se dirigea vers Mateo, ses grands yeux d’ambre, son sourire. Elle a cru que Valkyria compromettrait sa sécurité. Elle a un nouveau ricanement, en songeant que ça, elle l’a fait toute seule comme une grande, sans l’aide de la Dragonstone. Effacer sa mémoire ne lui apporté aucun sauve-conduit. « C’est ce que j’ai fait le matin où je suis partie, et c’est ce que je suis prête à refaire s’il le fallait. Si tu prétends que tu es différente, alors tu sais ce que j’attends de toi. » Que tu demandes pardon, simplement, que tu comprennes, que je puisse tourner cette putain de page sans avoir un goût acide dans la bouche, que je nous revoie avec nostalgie plutôt qu’avec colère. A moins qu’il reste encore trop de Visenya en elle ? Cette fille qui l’a rejetée, bafouée, qui hurlait trop fort pour l’entendre lui supplier de la pardonner ? Elle esquisse un sourire, les bras croisés. Toute activité lui semble soudainement bien inutile, quand ses prunelles croisent un regard bleu, et le défient en silence.

Fais-le.
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Ҩ Re: My baby shot me down. [Evyria IV] Ҩ Dim 19 Aoû 2018 - 17:59

Ca ne lui ressemble pas, tout ce détachement. Valkyria n'a jamais été comme ça ; elle était bouillonnante, sans cesse sur le point d'imploser, à fleur de peau. Cette anesthésie générale, cette indifférence qu'elle n'a jamais vraiment su feindre, même quand c'était absolument nécessaire. Elle a le sentiment qu'aujourd'hui, il définit en grande partie qui elle est. Ce qu'elle est. Une femme, seule, libre. Plus vraie et plus factice que jamais. Il a bien fallu qu'elle se protège ; en cinq ans, son esprit n'a pas attendu que son passé la rattrape pour la torturer un peu. Remettre en question l'intégralité de ses choix et de ses actes ; le moindre souvenir de Visenya, analysé, décortiqué jusqu'à en arracher toute la pourriture du luxe dans lequel elle s'est vautrée. Elle a retiré les faux sourires, les belles robes et la douce voix de la princesse ; griffé la peau trop blanche jusqu'au sang pour retrouver la gamine recroquevillée à l'intérieur, suppliant en silence pour qu'on vienne la chercher. La même qui s'est débattue quand enfin quelqu'un a posé les yeux sur elle ; Mordred, d'abord, qui lui a tendu une main que Visenya s'est acharnée à repousser. Et toi, ensuite. Tu t'es infiltrée dans son sang sans demander la moindre permission, parcourant son corps en silence, sous sa peau. Une seule nuit, assez longtemps pour que la marque de ton passage la change à tout jamais. Une petite certitude, arrachée puis rendue ; celle que Valkyria était réelle, qu'elle était bien là et qu'elle méritait une chance, elle-aussi. Un intolérable souffle d'espoir qu'elle s'est empressée de recracher, abandonnant au passage une partie entière de ce qu'elle aurait pu être, si seulement elle s'était laissée essayer. Une partie dont elle a tant bien que mal essayé de recoller les morceaux, après Domovoï's Rock. Comme si c'était possible, de récupérer ça en t'ayant perdue toi.
Elle ne bronche pas, en reposant son verre sur le comptoir tandis que la brûlure de l'alcool descend dans sa gorge. Elle garde le dos droit même si elle a baissé les yeux, parce qu'elle n'a pas envie de faire semblant d'avoir encore quelque chose à défendre. Toutes ses conneries, toutes ses erreurs, elle les a vues. Elle les a comprises, et elle est bien déterminée à ne pas les faire une deuxième fois si on lui laisse une deuxième chance ; et c'est sur ce point qu'elle a des doutes. C'est ça, que tu lui offres, ou alors c'est un piège que tu lui tends ? Une revanche que tu veux prendre ? Ce serait légitime. Pour autant, elle ne placera pas gentiment la corde autour de son cou pour te faciliter la tâche. Hors de question de s'ouvrir la poitrine en deux si c'est pour que tu t'empresses d'y plonger un poignard. C'est pour ça, l'indifférence ; c'est plus facile, c'est moins risqué. Elle a cessé d'être beaucoup de choses et elle en est devenue de nouvelles ; mais courageuse, non, toujours pas. La rage contenue de tes gestes lui fait trop peur pour qu'elle te montre comme c'est difficile de ne pas trembler, comme ça lui tord l'estomac d'avoir tant envie de rester mais de devoir lutter pour ne pas s'enfuir.

« A demi. Il y a des choses dont on a pas vraiment parlé, toi et moi. Tu es peut-être disposée à le faire maintenant que tu n’as plus rien ? » Tu recules, elle ne bouge pas, s'accroche à son verre. Se dit que tu dois penser qu'elle n'a plus que ça, pour oser prétendre qu'elle n'a plus rien. Mais c'est faux. Elle possède plus aujourd'hui que jamais auparavant ; elle a une vie à elle, une identité peut-être aussi fausse que celles d'avant, mais nettement moins empoisonnée. Un travail qu'elle a trouvé elle-même, qu'elle a mérité toute seule. Toute seule.

« Tu as déjà eu quelque chose à perdre autre que toi, Valk ? Je suis presque certaine que tu vas me dire que j’aurais pu occuper cette place, si je t’en avais donné l’occasion. » Un sourire triste vient lui déchirer les lèvres. C'est sans doute ce qu'elle aurait répondu cinq ans plus tôt, mais pas aujourd'hui. Tu ne sais rien de ce qu'elle est devenue, tu ne la connais plus. « Et maintenant ? Tu ne serais pas prête à tout pour récupérer ce qu’on t’a pris ? Les gens qui ont disparu de ta vie ? Quels risques tu serais prête à prendre, qu’est-ce que tu accepterais de perdre au nom de ça ? » C'est là que tu fais erreur ; elle ne veut plus de sa vie d'avant. C'est elle qui est partie, qui s'est enfuie, qui a accepté de laisser mourir tout ce qu'elle a été pour que son passé cesse de lui empoisonner la vie. Elle ne veut pas revenir en arrière, elle ne sacrifierait rien de ce qu'elle a acquis pour le fantôme d'une gloire imaginaire qui n'a jamais été la sienne. Quant à ceux qui ont compté, elle a su les retrouver. Amatis, Lilith, Asphalt. Adonis, même si elle n'avait jamais osé espérer qu'il lui laisse une chance, lui-aussi. Le sentiment de solitude qui l'écrase ? Elle ne sait pas d'où il vient, au fond. Elle a renoncé à l'idée de trouver des explications à tout ; ce n'est sûrement qu'une partie de Visenya qui subsiste dans un coin de sa tête, celle qui a toujours fait en sorte qu'elle ne soit jamais satisfaite de rien. Au moins, elle a arrêté de s'en plaindre sans cesse. « C’est ce que j’ai fait le matin où je suis partie, et c’est ce que je suis prête à refaire s’il le fallait. Si tu prétends que tu es différente, alors tu sais ce que j’attends de toi. » Elle n'a pas voulu entendre il y a cinq ans ; pourtant elle se souvient de ce que tu as dit, mot pour mot. Elle se souvient de ce qu'elle a répondu, surtout. Des cris qui sont partis trop vite, qu'elle n'a même pas pensé à retenir. De ce qu'elle a achevé de piétiner dans un accès de colère alors qu'elle ne cherchait qu'à recoller les morceaux. Drôle de façon de s'y prendre. Elle n'a plus qu'à prouver qu'elle a retenu la leçon, alors. « En effet. » Elle articule, péniblement, une main sur son verre, l'autre accrochée fermement à l'angle du comptoir, comme pour s'empêcher de s'enfuir. Elle ouvre la bouche sans encore savoir ce qu'elle va dire exactement ; elle n'en a pas le temps de toute façon. Un raclement de gorge impatient l'interrompt, et elle relève un regard surpris vers le gérant du bar qui vous observe quelques mètres plus loin. L'ivrogne a disparu, lui. « Je te dérange pas, Vespera ? Tu comptes passer la nuit à papoter ou tu as l'intention de faire ce pour quoi je te paie ? » Valkyria hausse un sourcil. Quel grossier personnage ; c'était bien le moment. Contrite, elle secoue la tête, sort sa baguette de sa manche sans dire un mot et achève de nettoyer en un geste la série de verres sur laquelle tu t'acharnes depuis le début de votre échange. « Je t'attends dehors, grince-t-elle. J'espère que tu es bien payée, au moins. » Elle avale d'un trait le fond de son verre, et laisse de quoi régler ses commandes sur le comptoir avant de sauter de son tabouret, peut-être un peu trop heureuse de pouvoir fuir cette conversation.

Lorsque tu la rejoins, elle est adossée au mur d'en face, une main dans la poche de sa légère veste de cuir et l'autre refermée sur une cigarette à moitié consumée. Est-ce qu'elle a pensé à s'en aller ? Oui. Mais elle ne l'a pas fait. Elle fixe l'asphalte sur le sol, songeuse ; ne relève la tête qu'en percevant ton pas discret à proximité. Alors, croisant l'émeraude fanée de ton regard, elle laisse un léger sourire, plus tranquille, étirer ses lèvres. « Ton patron a l'air d'être un sacré salaud. » lâche-t-elle, compatissante. Et alors que tu lui réponds, elle extirpe de sa poche un paquet de cigarettes qu'elle ouvre d'un geste habitué avant de te le tendre. « Tu en veux une ? » Elle gagne du temps ; c'est moche, elle sait. Mais elle ne s'est pas enfuie, c'est déjà un bon début, pas vrai ? Gênée par le poids des années coincé dans sa gorge, elle laisse le silence s'étirer quelques secondes avant de reprendre là où vous vous étiez arrêtées. « Je me demande... ce que tu t'imagines, à vrai dire. » Si la personne sur qui tu poses le regard est la gamine que tu as connue dans cette chambre en Angleterre, ou la femme cruelle qu'elle était devenue sur Domovoï's Rock. « Si tu crois que, je ne sais pas. Que je ne me pose pas de question, que je n'imagine pas ce qui aurait pu se passer, si les choses s'étaient déroulées autrement. » Quelque chose cloche dans cette phrase ; elle hésite une seconde, avant de se reprendre. « Je veux dire, si j'avais agi différemment. » Ce n'est pas si difficile, de formuler tout ça à voix haute ; elle y a tant réfléchi, tant pensé. Elle sait déjà ce qu'elle a fait de mal, et le dire n'y change rien. Ce qui lui fait peur, c'est ta réaction. Il est plus facile de présenter des excuses quand on est sûr d'obtenir le pardon demandé. Le problème, c'est qu'elle n'est pas sure de le mériter. Elle ne voit pas ce que tu aurais à gagner en acceptant ses excuses qu'elle ne sait même pas comment formuler. « C'est le cas, je me pose ces questions. Je me demande ce qu'on serait devenues, si tu m'avais laissé l'occasion d'être plus que cette gamine que tu as attrapée par hasard dans une chambre, un soir. » Elle fixe la rue, déserte, force sur sa voix trop prompte à se terrer au fond de sa gorge. Les souvenirs la rendent fébrile ; elle y croyait encore, à l'époque, que la vie pourrait quand même être un peu plus belle. Et c'était grâce à toi. « Tu m'as montré un monde sans chaîne, Eva. Un monde où j'aurais pu être qui je voulais, et où j'aurais pu... ne pas y être seule. » Il y a de l'émotion dans sa voix, les vestiges de l'émerveillement naïf qu'elle a ressenti ce soir-là, en regardant les étoiles par la fenêtre, blottie au creux de tes bras. « C'est ce que tu m'as pris, en effaçant ma mémoire. » Elle te sent distinctement te raidir près d'elle, et alors seulement, elle pose sur toi ses yeux clairs, ravivés de l'éclat indomptable que tu lui as autrefois connu. « C'est ce que j'ai détruit, quand j'ai refusé de t'écouter au moment où tu as essayé de me le rendre. » Plus dure, plus ferme, elle arrête instantanément de trembler, de rêver. La gamine de ce soir-là est morte sur Domovoïs's Rock en même temps que la femme cruelle qui a tout gâché. Il ne reste qu'elle, Valkyria et ses souvenirs éparses d'une vie qui n'a jamais été la sienne. A l'exception d'un soir, sans doute. Un seul soir. « Maintenant plus que jamais, j'ai conscience de tout ce que j'ai perdu ce jour-là. » Je t'ai perdue toi. « Je regrette. Je regrette vraiment. » Le mal qu'elle t'a fait, tout ce qu'elle a gâché, saccagé, piétiné. Au nom de rien du tout. Elle baisse les yeux un instant, dévastée par ce futur qu'elle a brisé, en lequel elle aurait tant aimé croire encore. Elle tremble un peu, quand elle relève la tête, et qu'elle cherche dans ton regard ce qui l'a rendue vivante autrefois, sans oser croire que ça marchera encore après tout ça. « Je sais que je ne t'ai pas donné beaucoup de raisons de me croire. » Mais si un jour, à un seul instant, tu as posé les yeux sur moi comme tu le prétendais, alors tu sais que c'est la vérité.
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